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Le malaise des travailleurs étrangers en Allemagne

14 mars 2023

Le gouvernement allemand planche sur les moyens d'attirer des travailleurs de l'étranger. Mais il ne suffit pas de les faire venir, encore faut-il qu'ils veuillent rester. En deuxième partie de ce magazine, on vous emmène au Mexique où des communautés locales se battent contre un projet d'installation d'une usine de fertilisants dans la baie d'Ohuira.

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Il faudrait que 400.000 personnes viennent s'installer chaque année en Allemagne pour compenser le manque de main d'œuvre. En 2021, il n'y en a eu que 40.000. 

Un panneau d'accueil souhaite la bienvenue au Centre pour les travailleurs étrangers de Francfort
L'Allemagne a besoin de personnel qualifié, mais est-elle en mesure de bien accueillir celles et ceux qui viennent travailler ?Image : Peter Hille/DW

Mara, 30 ans, en fait justement partie. Après des études au Royaume-Uni et quelques années d'expérience professionnelle dans son pays, la jeune femme a décroché un emploi bien rémunéré à Berlin dans le domaine de la communication et réalisé son rêve de venir en Allemagne. 

"L'Allemagne a une bonne réputation. C'est un pays sûr, avec de bonnes conditions de travail et un meilleur niveau de vie qu'en Roumanie. L'économie allemande est connue pour être le moteur de l'Europe. J'ai pu 'expérimenter' différentes cultures, mais je trouve que l'Allemagne, et surtout Berlin, est le compromis parfait entre l'Est et l'Ouest, et c'est pourquoi j'ai décidé de vivre ici".

Rencontre avec la bureaucratie allemande

Mara s'est donc installée à Berlin il y a un an, mais l'euphorie a rapidement cédé la place à la désillusion... 

"Dans mon cas, les principaux problèmes ont été d'ordre bureaucratique. Par exemple prendre rendez-vous pour s'inscrire à la ville... Ou bien ouvrir un compte bancaire, ce qui m'a pris deux semaines. Un autre problème a été de renseigner la Schufa, pour justifier ma solvabilité, ce qui est indispensable pour obtenir un logement. Mais le plus grand défi a été de trouver un appartement".  

Des visiteurs au stand du gouvernement qui informe sur les moyens d'apprendre l'allemand dans une foire professionnelle
De nombreuses entreprises exigent un niveau d'allemand suffisant pour embaucher des étrangersImage : Christoph Soeder/dpa/picture alliance

Toutes ces démarches, Mara a dû les effectuer en allemand... Et cela a aussi été un gros problème. La jeune femme avait suivi un cours d'allemand à Bucarest, mais dans son travail, elle communique essentiellement en anglais. Résultat : son niveau d'allemand ne lui permet même pas de mener une conversation.

Autre difficulté rencontrée, la solitude : depuis la fin de la pandémie de Covid-19, l'entreprise de Mara a maintenu son personnel en télétravail. Du coup, elle ne voit ses collègues que par écran interposé. Aujourd'hui, elle souffre du manque d'intégration sociale.

Discriminations et manque de reconnaissance

Le cas de Mara n'est pas isolé, si l'on en croit une étude menée auprès de 1900 travailleurs étrangers, par l'Institut de recherche économique appliquée de Tübingen, pour le compte de l'Agence pour l'Emploi.  

Une infirmière assiste à une opération chirurgicale
La reconnaissance des diplômes étrangers est un casse-tête et de nombreux travailleurs étrangers travaillent largement en-dessous de leurs compétencesImage : privat

Parmi les travailleurs originaires de pays non européens, deux sur trois déclarent avoir subi des discriminations en raison de leur origine. Ils se plaignent du fait que leurs qualifications professionnelles ne sont pas reconnues à leur juste valeur en Allemagne. Et aussi de la rigidité du droit de séjour allemand.

Invitée à une conférence du groupe parlementaire SPD au Bundestag, Naika Foroutan, chercheuse sur la migration et professeure à l'université Humboldt de Berlin, a confirmé que ces difficultés accumulées découragent de nombreux travailleurs étrangers.

"C'est tout simplement une réalité statistique : ce sont justement les groupes que l'on recrute de manière ciblée qui, peu de temps après, disent qu'ils ne veulent pas rester ici."

La chercheuse appelle les Allemands à "changer d'état d'esprit" pour renforcer la culture de l'accueil. Au gouvernement, elle recommande de mettre en place des mesures pour lutter contre la discrimination. 

Une réforme à l'étude pour faciliter l'immigration

Car l'Allemagne a désespérément besoin de main d'œuvre. 

Selon un sondage mené en janvier par la Chambre allemande de Commerce et d'Industrie, la moitié des entreprises allemandes ne trouvent pas suffisamment de personnel qualifié. Ce sont environ 2 millions de postes qui restent vacants - tendance à la hausse !

Pratiquement tous les secteurs sont concernés, de l'industrie aux services, en passant par la santé et même l'administration !

Un homme répare un tuyau
Les métiers artisanaux comme la plomberie manquent eux aussi de main d'œuvre, mais le gouvernement veut privilégier la formation professionnelle des jeunes AllemandsImage : Sven Hoppe/dpa/picture alliance

Conscient du problème, le gouvernement allemand planche actuellement sur une réforme complète de sa législation sur l'immigration. Parmi les mesures à l'étude figurent une meilleure reconnaissance des diplômes étrangers, la simplification du droit de séjour et du regroupement familial, ainsi qu'un accès plus rapide à la nationalité allemande. 

Ce dernier point divise au sein de la coalition gouvernementale, les Libéraux du FDP sont réticents. Mais il semble qu'ils ne sont pas les seuls : selon un sondage réalisé par l'institut YouGov pour l'agence de presse DPA, 59% des citoyens allemands sont opposés à une naturalisation plus rapide des étrangers !

La société allemande a du mal à accepter les changements, déplore Naika Foroutan. Et pourtant le temps presse. L'Allemagne n'est pas la seule à chercher à recruter du personnel qualifié, prévient la chercheuse :

Naika Fourutan, chercheuse à l'université Humboldt de Berlin
La chercheuse Naika Fourutan appelle les Allemands à changer de mentalitéImage : STPP/IMAGO

"Alors que nous en sommes juste à nous organiser et à réfléchir au fait que nous avons besoin de personnes, d'autres pays comme la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Canada et l'Australie le font déjà. Mais ils ne sont pas non plus les seuls. Il nous échappe complètement que l'Arabie saoudite, le Qatar, les Emirats font des campagnes publicitaires massives, que les Philippines ne laissent plus partir leurs citoyens et que les pays d'Afrique essaient en ce moment fortement de retenir les gens". 

Selon une récente étude de l'OCDE, l'Allemagne a nettement perdu de son attractivité et n'arrive plus qu'en 15ème position sur les 38 pays de l'OCDE. En 2019, elle était encore 12ème. 

Mara, la jeune Roumaine, ne s'imagine plus rester jusqu'à la retraite en Allemagne. Elle se laisse encore un ou deux ans à Berlin, et puis elle ira chercher ailleurs un meilleur endroit où vivre.

Contribution de Sabine Kinkartz

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Malgré les menaces, une communauté indigène se bat contre la pétrochimie


Dans l’Etat de Sinaloa situé dans le nord du Mexique, les indigènes Yoreme-Mayo qui vivent dans la baie d’Ohuira se battent contre un géant pétrochimique européen. 

Vue de la baie d'Ohuira où doit être construite l'usine d'ammoniac
Dans la baie d'Ohuira, le combat des Yoreme-Mayo contre l'agrochimieImage : Gwendolina Duval/DW

L’entreprise GPO, déjà installée depuis 2013, prévoit de construire une gigantesque usine d’ammoniac sur un terrain qui donne sur les rivages de la baie. Elle serait destinée à fabriquer environ 2200 tonnes de fertilisants par jour. 

Le projet plaît aux gouvernements locaux puisqu’il va dans le sens de la politique alimentaire du Mexique qui tend vers l’autosuffisance. Mais selon les habitants d'Ohuira, l’installation de cette usine représenterait la fin de l’écosystème fragile de la baie. 

Depuis presque 10 ans, les communautés indigènes dont le nom signifie "à l’orée de la baie" s’opposent à ce projet. Plusieurs d’entre eux ont été menacés, alors que le Mexique compte parmi les pays les plus dangereux du monde pour les activistes environnementaux. 54 ont été tués en 2021, selon l’ONG global Witness. 

C'est un reportage de Gwendolina Duval.
 

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Politique, économie, histoire... Vu d'Allemagne est un podcast hebdomadaire sur l'Allemagne, avec un grand reportage international en seconde partie d'émission.