L'Allemagne "soulagée" des résultats en France
8 juillet 2024Le Premier ministre français, Gabriel Attal, reste en place "pour le moment". Emmanuel Macron lui a demandé d’expédier les affaires courantes jusqu’à ce que se dessine une image plus claire des nouveaux rapports de force à l’Assemblée nationale.
Le Rassemblement national n’a pas obtenu le score escompté au second tour des législatives. Avec ses alliés, le parti d’extrême droite comptabilise 143 sièges dans la nouvelle Assemblée, il arrive derrière l’alliance de gauche du Nouveau front populaire (182 élus) et le camp présidentiel, Ensemble (168 députés environ). Et non en première place, comme il l’espérait.
"On peut de nouveau respirer !"
L’Allemagne a suivi de près ces élections françaises pour deux raisons. D’abord parce que la France reste son premier partenaire en Europe. Mais aussi parce que l’extrême-droite a opéré une percée en République fédérale lors des dernières élections européennes: l’AfD a obtenu 15,9% des voix et les sondages laissent présager de victoires électorales aux régionales prévues dans trois Länder de l’Est à l’automne : la Thuringe, le Brandebourg et la Saxe.
Olaf Scholz, le chancelier allemand, a déclaré : "Le gouvernement fédéral et moi sommes soulagés. Cela aurait été un défi de taille, si le président français avait dû accepter une cohabitation avec un parti de la droite populiste. Ce danger est maintenant écarté."
La résistible ascension de l'extrême-droite
La défaite relative du RN en France montre que la montée de l’extrême-droite n’est pas une fatalité, en France comme dans le reste de l’Europe, estime Anke Rehlinger, la ministre-présidente du Land de Sarre, une région frontalière avec la France.
Chez nos confrères de Deutschlandfunk, l’élue sociale-démocrate a déclaré espérer que les responsables politiques seront à la hauteur pour reconquérir les électeurs tentés par l’extrême-droite.
"Ce vote nous a montré qu’il fallait considérer nos pays dans leur ensemble, estime Anke Rehlinger. Pas seulement les villes, les campagnes aussi. Les gens ne doivent pas se sentir abandonnés par la politique. Cela nous enjoint à œuvrer à maintenir l’équilibre social. La peur du déclassement social, l’espoir de maintenir son niveau de vie sont répandus dans nos sociétés. Les débats sont comparables en France et en Allemagne. Il est de notre devoir de responsables politiques d’agir en conséquence."
Renate Künast (parti écologiste) se sent elle aussi soulagée. Le vice-président du groupe libéral FDP au Bundestag rappelle, quant à lui, que le « danger de l’extrémisme » n’a pas disparu en France. Il met les dirigeants du RN et le chef de file de La France insoumise, à gauche, sur un même pied.
Des dérapages au RN
Le Rassemblement national a augmenté le nombre de ses députés. Il reste le parti qui a le plus d’élus dans la nouvelle assemblée ; les autres camps sont des alliances.
Néanmoins, les dirigeants du parti sont déçus de leur score qui ne leur permettra pas d’entrer au gouvernement.
Ces résultats décevants pour le RN s’expliquent par le succès du "barrage républicain" et des désistements de plus de 200 candidats pour faire battre l’extrême-droite en cas de ballotage, mais aussi par le comportement de certains candidats du RN, qui ont tenu des propos racistes, négationnistes ou antisémites durant la campagne, en dépit des efforts de la direction du parti pour se départir de son image radicale.
Cela agace le député RN du Pas-de-Calais Bruno Bilde. Ce proche de Marine Le Pen, ancien du bureau national du parti, appelle le RN à "faire son examen de conscience". Il déclare au quotidien Le Monde, je cite : "On a besoin de rassurer, or nous avons eu des profils extrêmement clivants, parfois même inquiétants. Il va falloir que la direction se penche tout de suite sur ce problème qui a parasité l’intégralité de la campagne, et surtout l’entre-deux-tours".
Des membres de l'AfD devant la justice
En Allemagne aussi, plusieurs membres de l'AfD ont tenu des propos racistes ou révisionnistes ces derniers mois. Certains ont été condamnés en justice. Ce qui pourrait effrayer certains électeurs potentiels.
La première réunion de la nouvelle Assemblée nationale française aura lieu le 18 juillet prochain. Les négociations qui auront lieu dans les prochains jours pour former un gouvernement seront capitales pour la suite – et notamment la présidentielle de 2027, en ligne de mire de tous les acteurs politiques.