Au Rwanda, les femmes qui font peur à Paul Kagamé
31 juillet 2017C'est à Nyamirambo, l'un des quartiers les plus populeux de Kigali, que se tiennent désormais les assises du Mouvement pour le Salut du Peuple, créé récemment par Diane Shima Rwigara.
Celle-ci a fondé son propre mouvement politique même si elle a conscience des risques qu'elle prend en s'opposant ouvertement à Kagamé. Cette jeune femme de 35 ans est résolue à se battre contre un régime qui monopolise le pouvoir..
En juin dernier, quand sa candidature à la présidentielle a été rejetée, Diane Rwigara déclaré que les raisons avancées par la commission électorale ne sont qu'une machination politique.
Selon la commission, la jeune candidate aurait présenté des signatures de recommandation de personnes décédées, ce qui aurait justifié sa disqualification. Mais Diane Rwigara y voit la main du régime en place.
"Ils ont peur de moi", explique-t-elle, "ils ont peur de la vérité parce que le système du FPR est fondé sur le mensonge. Donc, ils ont peur de ceux qui osent dire la vérité parce que tout simplement, ils ont peur d'être démasqués."
- "Tout peut arriver et je suis prête à tout affronter"
Cette lutte commence en février 2015 après la mort de son père, le millionnaire Assinapol Rwigara, décédé dans un accident de la route. Les soupçons d'un assassinat politique n'ayant jamais été prouvés.Si sa candidature à la présidentielle a été rejetée, la jeune politicienne n'a pas jeté l'éponge. Ses déclarations dans les médias, dénonçant ce qu'elle appelle un "régime autocrate", n'ont pas cessé.
Interrogé sur les risques d'être arrêtée et jetée en prison, Diane Shima Rwigara explique qu'elle est prête à courir le risque.
"Tout peut arriver", dit-elle, "et je suis prête à tout affronter mais je sais aussi que je défend une juste cause. Notre mouvement est un mouvement de paix. Nous luttons pour nos droits, nous nous battons contre l'injustice dans ce pays et nous réclamons notre droit fondamental à la liberté d'expression.”
15 ans de prison pour négationnisme
La prison est un risque très concret. Une autre opposante emblématique, Ingabire Victoire, est en effet emprisonnée depuis sept ans. La fondatrice du parti FDU Inkingi a tenté en 2010 de s'opposer au Président Paul Kagamé lors de la présidentielle que ce dernier a remportée sans opposition véritable.
A l'époque, Ingabire Victoire vivait aux les Pays-Bas avec sa famille avant de décider de retourner au Rwanda. Lors de sa visite au mémorial du génocide des Tutsis, elle a pris le risque de déclarer aux médias que le pouvoir de Kigali n'accordait pas de valeur aux Hutus tués pendant ce qu'elle a qualifié de "double génocide".
Accusée de négationnisme, elle a été condamnée en décembre 2013 à 15 ans de prison.
Aujourd'hui, le Rwanda est considéré comme un pays dont l'économie connaît un essor considérable depuis 1994. Mais des rapports de différents organismes internationaux de droits de l'homme, et notamment de Human Rights Watch, estiment que le débat politique est étouffé par le pouvoir en place.