Au Bénin, trois hommes accusés de préparer un "coup d'Etat"
25 septembre 2024La justice béninoise a annoncé ce mercredi soir (25.09) l'arrestation du commandant de la Garde républicaine Djimon Dieudonné Tévoédjrè, de l'ancien ministre des Sports Oswald Homéky et de l'homme d'affaires Olivier Boko.
Ils sont soupçonnés d'avoir planifié un "coup d'Etat" au Bénin.
Selon Elonm Mario Metonou, le procureur de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme au Bénin (CRIET), "il apparaît que le Commandant de la Garde Républicaine ayant en charge la sécurité du Chef de l'État a été entrepris par le ministre Oswald Homéky pour son compte et celui de Mr Olivier Boko à l'effet d'opérer par la force un coup d'État dans la journée du 27 septembre 2024".
Oswald Homéky a été interpellé dans la nuit de lundi à mardi alors qu'il donnait six sacs de billets de banque d'un montant de cinq cent millions de FCFA (un peu plus de 2 millions d'euros) à Djimon Dieudonné Tévoédjrè, selon la CRIET.
L'homme d'affaires béninois Olivier Boko, ami de longue date du président Patrice Talon, a été arrêté dans le même nuit à Cotonou.
Le mouvement Objectif 2026, qui soutient une éventuelle candidature d'Olivier Boco à la présidentielle en 2026, à travers un communiqué, a dénoncé une "atteinte grave aux droits fondamentaux et aux principes de l'Etat de droit" et parle "d'acharnement politique".
Pour le politologue Joël Atayi-Guedegbe, beaucoup de zones d'ombres entourent encore cette affaire dans un contexte de lutte de pouvoir pour la succession du président Patrice Talon, qui arrivera en 2026 au terme de son second mandat. La Constitution béninoise fixe à deux mandats la limite de l'exercice présidentiel.
Notez que l'interview de Joël Atayi-Guedegbe a été réalisée avant la conférence de presse du procureur de la CRIET ce mercredi soir.
DW : Une première réaction à l'annonce de l'arrestation d'Olivier Boko. Est ce que vous avez été surpris quand on sait qu'on le disait proche du président Talon ?
Joël Atayi-Guedegbe : Oui, forcément, c'est plus qu'un proche, c'est quasiment son frère jumeau en politique ou d'abord en affaires. Donc, c'est quand même deux amis très intimement liés, tant en affaires qu'en politique, de l'aveu même du président Talon qui ne s'en cachait point et qui voyageait bien souvent avec lui, même s'il n'a pas officiellement de fonction dans l'organigramme de la présidence de la République.
DW: Olivier Boko, ces derniers temps, semblait de plus en plus afficher ses ambitions politiques. Est ce qu'il faut y voir un lien avec son arrestation ?
Joël Atayi-Guedegbe : Oui, on ne manquera pas de spéculer en ce sens. Mais il faut à la vérité quand même dire que de manière explicite, Monsieur Boko ne s'est jamais prononcé en faveur d'une éventuelle candidature, même s'il y a effectivement des mouvements qui se sont constitués, des réseaux qui ont commencé à se mettre en place pour appeler à sa candidature en vue de succéder au président Talon.
Et M. Oswald Homéky, qui était ministre des Sports depuis l'avènement du président Talon jusqu'à l'année dernière, où il a dû quitter le gouvernement sur ce motif ou sur ce reproche qu'il suscitait en dehors de la discipline des partis politiques, une candidature indépendante ou en tout cas non avalisé pour l'instant dans quelque parti que ce soit, et notamment ceux qui soutiennent le chef de l'Etat.
Donc, on est dans cette nébuleuse où on ne doute pas que les questions de succession du président Talon vont se poser de plus en plus avec acuité et peut être dramatiquement. Enfin, j'espère bien que non.
DW : Les proches et les soutiens de Oswald Homéky et de Olivier Boko parlent d'acharnement politique. Qu'en pensez-vous ?
Joël Atayi-Guedegbe : L'arrestation, oui, passera toujours mal politiquement. Maintenant, s'il y a effectivement des faits concordants, et allant jusqu'à un complot contre la sûreté de l'Etat ou que sais-je... Ce serait à la justice, de toute façons, d'en apporter les éléments les plus probants et de nous convaincre.
Et donc, il y a éventuellement cette hypothèse, il y a celle de l'affabulation également. Donc de l'acharnement et puis pourquoi pas l'hypothèse d'une grotesque mise en scène ou d'un scénario destiné à victimiser ces amis du président Talon quitte à les rendre plus populaires et plus acceptables pour la population ou l'électorat dans le cadre d'une élection.
Nul ne sait exactement dans quel schéma nous sommes. Effectivité des allégations ou manque de preuves et puis disculpation ou bien finalement mise en scène avec la complicité de ceux qui sont actuellement en état d'arrestation.
DW : Alors ces arrestations font évidemment penser à d'autres interpellations, comme celle de l'opposante Reckya Madougou qui est toujours en détention d'ailleurs, et il est souvent reproché au président Talon d'être autoritaire.
Qu'est ce que ces arrestations disent de la situation politique au Bénin?
Joël Atayi-Guedegbe : Bon, elles disent deux choses essentiellement. Le présidentTalon revendique une part d'autoritarisme. C'est un secret de polichinelle. Au delà de ça et ça ne relève que de l'appréciation des uns et des autres, il y a de toute évidence la question de la fin de mandat de la succession et en partie celle de la guerre des clans à l'intérieur même du cercle du pouvoir. Et il n'y a rien d'étonnant pratiquement à cela.Il est regrettable que cela prenne parfois ces contours et cet aspect.
Mais j'ose croire que les formes seront sauvegardées.Il est fondamentalement regrettable que la police se comporte - si cela est avéré - de manière aussi cavalière, en violant ce que l'Ordre des avocats a déjà relevé comme des manquements au code de procédure pénale.
Mais c'est au cours d'un procès effectivement ouvert que tout cela s'établit après la présentation au procureur. Au minimum, c'est avec la police criminelle que pour l'instant se déroule la garde à vue de l'ancien ministre Homéky. Voir du commandant de la sécurité présidentielle qui semble avoir été à ses côtés quand l'arrestation et la perquisition ont eu lieu au domicile de Monsieur Homéky.
Ces deux cas semblent plus traçable que celui de Monsieur Boko qui passe pour disparu ou arrêté et caché en un lieu que certains disent sûr. Mais bon, cela ne me semble pas conforme au bon respect en tout cas du code de procédure pénale. À moins qu'un juge soit effectivement derrière tout ça.