Coupe du monde 2022 : mouvement de boycott en Allemagne // En Grèce, contestation contre la police dans les universités
La Coupe du monde de football 2022 bat son plein, mais l'événement n'est pas suivi partout avec le même enthousiasme. En Allemagne, s’il serait faux d’affirmer que cela n’intéresse personne, on remarque cependant que l'enthousiasme n'est pas le même que lors d'autres coupes du monde.
Les audiences télés par exemple le prouvent : neuf millions de téléspectacteurs pour le premier match de l'Allemagne, dix-sept millions pour le second. C'est beaucoup, mais moins que les près de vingt-six millions lors du match d'ouverture Allemagne-Mexique il y a quatre ans en Russie. Et cela dénote un peu l'ambiance actuelle autour de l'événement.
Appels au boycott
On suit, mais sans beaucoup d'enthousiasme comme parfois, et les appels au boycott se sont multipliés depuis plusieurs semaines. Des manifestations ont même parfois eu lieu. C’était le cas à Cologne, le jour de l’ouverture de la compétition, le 20 novembre, où une alliance de syndicats, d'associations religieuses, de supporters ou encore des mouvements écologistes appelaient à descendre dans la rue.
"On veut protester contre les violations des droits humains au Qatar, contre les violations des droits des femmes, des LGBT +", expliquait alors le jeune Félix, du mouvement Fridays For Futur. "Et puis c’est aussi parce que le Qatar est vraiment mauvais en ce qui concerne la lutte contre le changement climatique. "
Le monde du sport mobilisé
Comme d’autres, il rappelle les milliers des morts sur les chantiers lors de la construction des stades ou les stades climatisés. Des reproches déjà entendus, en ce qui concerne les droits humains par exemple, lors de la Coupe du monde en Russie, il y a quatre ans. Mais là ce qui impressionne c'est que le mouvement a un réel succès en Allemagne.
Il est suivi jusque dans le monde du foot. "Je viens d'une famille de footballeurs, mes frères sont entraineurs, j'ai été joueur aussi et le fait qu'on politise ce sport comme ça aujourd'hui, qu'on s'en serve à des fins politiques, c'est ce qui me rend le plus en colère", raconte Vincent Bönig, étudiant en sport à Cologne qui ne regarde pas les matchs. "Cette fois, on doit dire « stop » car cette Coupe du monde est, à de nombreux points de vue, très grave", insiste-t-il. Vincent évoque la corruption lors de l’attribution du mondial, les morts sur les chantiers… "On ne peut plus fermer les yeux", dit-il.
L'argumentation est reprise à très haut-niveau. Ancien directeur général de la Ligue allemande de football, Andreas Rettig confie regarder certains matchs évoquant des motifs professionnels, mais comprend et soutient même le boycott. "Toutes les valeurs du football sont foulées au pied par le Fifa!", s’emporte-t-il. "Ça a commencé avec la corruption lors de l'attribution, sont venus s'ajouter les violations des droits humains, des travailleurs. Et puis c'est un désastre écologique ! Quand on voit qu’ils vont affréter 160 avions par jour pour le transport sur place parce qu’ils n’y pas assez d’hôtels dans le pays…"
La Bundesliga en colère
Le contre-mouvement Coupe du monde s'est organisé, avant même la compétition. Lors des derniers matchs de Bundesliga, avant la pause pour cause de Coupe du monde, d'immenses banderoles ont été déployées dans les stades de première ligue allemande, par les supporters, pour appeler au boycott.
C’était le cas par exemple à Schalke, où Susanne Frank, abonnée tribune nord depuis des dizaines d'années, s'est organisée avec d'autres supporters pour déployer une immense banderole de ce genre. Et ces jours-ci, elle ne regarde pas les matchs au Qatar. "On trouve le football génial, mais pas celui-là", insiste-t-elle. "Alors on fait des tournois de foot en salle, de babyfoot, des débats, des projections de films... C'est l'esprit foot qu'on aime ! "
Plusieurs centaines de bars dans tout le pays ont même décidé de ne pas retransmettre les matchs. C'est le cas à la Lotta à Cologne, où cela a été jusqu'à attirer la curiosité de journalistes japonais ces jours-ci.
Normalement le bar projette les matchs du FC Cologne et les grandes compétitions. Mais pas de cela pour David et ses collègues cette année."C'est juste une histoire de sous, pas de foot ! Ca se passe en hiver, sans ambiance. On a construit des stades qui ne serviront plus ensuite, exploités des travailleurs... Enfin y'a tous un tas de raisons qui nous ont fait renoncer", explique le serveur.
Lui et ses collègues ont monté un programme alternatif avec projections de films sur le foot, de documentaires sur les travailleurs étrangers au Qatar, tournois de babyfoot ou même de PlayStation. "Avec le foot, les gens consomment plus de bières normalement dans le bar, mais on espère que les soirées alternatives feront le plein, et d'ailleurs on a des clients réguliers qui nous disent déjà que c'est super ce qu'on fait."
Le geste des joueurs allemands de la Mannschaft se couvrant la bouche pour la photo d'équipe juste avant le premier match a été très commenté aussi en Allemagne... Les joueurs protestaient contre la décision de la FIFA d'interdire le port d'un brassard multicolore en faveurs des droits des personnes LGBT +.
"Geste engagé et positif", ont dit les uns. "Politique qui n'a rien à voir avec le foot", ont répondu les autres.
Mardi, cette semaine, l'Allemagne a signé un contrat de livraison de gaz naturel liquéfié (GNL) sur 15 ans avec... le Qatar. L'économie et la politique ne sont jamais très loin, même en pleine Coupe du monde. De quoi alimenter encore les conversations des supporters dans les jours à venir.
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La police sur les campus enflamme les universités grecques
Depuis des mois les universités grecques s'opposent à l'instauration d'une police universitaire sur les campus. C’était une promesse de campagne de l'actuel Premier Ministre conservateur Kiriakos Mitostakis durant sa campagne électorale de 2019.
Pour les conservateurs au pouvoir il s'agit de mettre de l'ordre et de la discipline dans les campus. Pour leurs opposants et l'écrasante majorité du corps enseignant, c'est la preuve d'une dérive autoritaire du gouvernement actuel. Les manifestations et les affrontements se multiplient depuis septembre dernier, date à laquelle le Premier ministre a déclaré au parlement que cette police prouve le retour de la démocratie dans les universités.
Reportage sur place de Thomas Jacobi à suivre en seconde partie de ce magazine.
Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast. Vous retrouvez tous les numérosdans la médiathèque, à écouter en ligne ou à télécharger en format MP3. Le podcast est également disponible sur certaines plateformes de podcasts.