Cameroun : des prisonniers politiques enchaînés à l'hôpital
15 septembre 2022Au Cameroun, 46 militants du MRC, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun, purgent des peines allant parfois jusqu'à sept ans de prison. Leur crime ? S'opposer politiquement au président Paul Biya, au pouvoir depuis près de 40 ans.
Certains de ces militants sont détenus dans des conditions inhumaines. Ils sont ainsi parfois enchaînés sur leur lit d'hôpital alors qu'ils ont contracté la tuberculose en prison. Une partie d'entre eux ont fait appel d'une première condamnation mais leur parti peine à réunir les fonds pour payer les frais de justice.
Mauvais traitements
Sur demande formulée en janvier dernier, 35 des 46 militants condamnés du Mouvement pour la renaissance du Cameroun répondaient ce jeudi 15 septembre devant la Cour d'appel de la région du Centre à Yaoundé.
Ils ont été interpellés et emprisonnés lors d'une manifestation en septembre 2020, comme plusieurs autres dans différentes villes du Cameroun. Certains ont été libérés plus tôt, au moins deux sont décédés en prison, et neuf sont malades.
Maître Hyppolyte Meli, l'avocat des militants du MRC emprisonnés, estime que ses clients "subissent un traitement carcéral un peu particulier, notamment chaque fois qu'ils doivent être admis en soins, même sur leur lit d'hôpital". L'avocat précise : "Je pense à monsieur Ouffo Maurice. Je pense à monsieur Entsefalaya Oben qui a contracté la tuberculose pendant qu'il était en prison et qui a été interné enchaîné ici à l'hôpital Jamot."
L'accusation
Les militants du parti de Maurice Kamto sont accusés d'être auteurs et complices de la diffusion de messages jugés attentatoires à la sûreté de l'Etat. Des messages qui auraient été transmis sur Whatsapp et Facebook, sur des banderoles ou des tracts, dans des discours du MRC et simplement parfois par téléphone.
Ils sont aussi accusés d'avoir organisé et participé à des manifestations interdites par les autorités.
La défense
Selon les avocats des membres du MRC, les messages incriminés appelaient à la fin de la guerre civile et fratricide dans les régions anglophones, à la réforme du système électoral, à l'audit de la gestion des comptes des infrastructures de la Coupe d'Afrique des Nations 2021 et au rejet de l'alternance au sommet de l'Etat de "gré à gré".
Maître Maurice Tchendjou, un autre avocat du MRC, ne comprend pas pourquoi trois tribunaux militaires dans différentes villes ont été choisis pour juger d'une manifestation pacifique.
Selon lui, "le tribunal militaire de Yaoundé qui a pourtant une compétence juridictionnelle nationale n'a pas été l'unique juridiction militaire saisie pour la répression des marches du 22 septembre 2020, comme ce fut le cas en 2019 lors de la répression des marches blanches du 26 janvier 2019, toujours organisées par le parti MRC à travers le pays et à l'étranger, et qui dénonçaient le hold-up électoral."
Problèmes financiers du MRC
Le parti de Maurice Kamto dit aussi être financièrement asphyxié. Selon l'avocat du parti Hippolyte Meli, les nombreux procès ont déjà coûté 32 millions de francs CFA de frais de procédures. A elle seule, la procédure d'appel qui s'est brièvement ouverte de ce jour a coûté neuf millions de francs CFA.
A ceci s'ajoutent les blocages des comptes bancaires du MRC sur réquisition du gouvernement, à travers le ministère de l'Administration territoriale.
Après l'identification des accusés à la Cour d'appel du Centre ce jeudi 15 septembre, l'audience a été renvoyée au 20 octobre prochain.