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Economie

Au Cameroun, les stations-service sont à sec

Henri Fotso
14 juillet 2022

Au Cameroun, les pénuries de carburants provoquent des bousculades dans les stations de Yaoundé. Certains critiquent le manque d'anticipation de l'Etat.

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Une citerne fait le plein dans une station essence
Il est désormais devenu difficile de faire le plein d'essence au CamerounImage : Hajarah Nalwadda/AP Photo/picture alliance

Au Cameroun, la population, déjà confrontée à d'incessantes coupures d’électricité, souffre désormais de la rupture brutale des stocks de carburant dans les stations-services. Ces pénuries de gasoil engendrent des bousculades à la pompe, particulièrement à Yaoundé, la capitale.

"Si ça ne va pas, on se gare là. Je vais faire comment ? Je ne peux pas rentrer chez moi sans carburant. Puisque je suis même déjà dans le rouge." . Le conducteur de taxi, Victor Amayé, est l'un des habitants de Yaoundé pris au piège de la pénurie de carburant. Il vient de parcourir cinq stations-service sans trouver de combustible  pour son moteur diesel. Victor Amayé fait ainsi la queue, au volant de son véhicule, dans l’espoir que le stock arrivé en début d’après-midi ne s’épuise pas avant que n'arrive son tour de passer à la pompe. 

Des chantiers bloqués, des emplois menacés

Depuis la fin de la semaine dernière, la pénurie de gasoil a cloué au sol plusieurs engins dans les chantiers du pays. Les pannes sèches au Cameroun induisent forcément des blocus dans les pays voisins tels que le Tchad et la RCA. 

File d'attente dans une station-service de Dire Dawa, en Ethiopie (photo d'illustration)
En plus des bouchons, les pénuries peuvent accroître l'endettement des transporteursImage : Messay Teklu/DW

Ibrahima Yaya, président du Groupement Syndical des Transporteurs Terrestre du Cameroun (CGSTC) et de la Fédération des transporteurs de la Communauté Economique des Etats d’Afrique centrale (FETRANS/CEEAC), prend l'exemple de produits livrés par le Programme Alimentaire Mondial qu'il ne parvient pas à livrer à temps à Bangui, en Centrafrique.

"Non seulement, on va rompre mon contrat, mais je vais également perdre d’énormes sommes d’argent. Dans le secteur des transports, vous savez pertinemment que sans le carburant, tout est en arrêt. On ne peut pas développer une économie dans un climat pareil", explique-t-il. 

Le problème des subventions à la pompe

Du côté du gouvernement, le ministre de l’Eau et de l’Energie fait savoir dans un communiqué que "ces perturbations sont dues principalement à l’importante enveloppe de la subvention des prix à la pompe qu’il faut effectivement mobiliser en temps réel pour assurer les importations des produits pétroliers."  

En clair, le Cameroun connaît des ruptures de carburant à la pompe pour cause d’argent : 80 milliards de francs CFA pour le compte du mois de juin n’auraient été débloqués que trop tard.

Ibrahima Yaya évoque un deuxième aspect des conséquences néfastes de cette pénurie sur l'endettement des transporteurs : "Pour nous, les transporteurs qui avons pris les camions en leasing auprès des banques, qui sommes appelés à payer les traites, nous avons forcément un handicap majeur pour parvenir à respecter nos engagements vis-à-vis des banques."

Embouteillages dans une rue de Yaoundé
La pénurie de carburant affecte tous les usagers de la route motorisésImage : Dr. Dirke Köpp

Un approvisionnement poussif

Le Cameroun a pu commencer à décharger 62 500 mètres cube de carburants, tous types confondus, en début de semaine. Il restait dans les navires en eau 88 000 mètres cube de gasoil et 35 000 mètres cube de super en attente de déchargement. 

L’Etat du Cameroun, dont l’unique raffinerie est inadaptée au raffinage du pétrole lourd exploité localement, a dépensé 317 milliards de francs CFA au premier trimestre 2022 pour subventionner l’importation des produits pétroliers.

Pour la Ligue camerounaise des consommateurs, l’Etat n’a pas su anticiper sur cette pénurie. Et pour le Groupement syndical des transporteurs terrestres du Cameroun, l’Etat n’a pas à trop se plaindre pour ses subventions dans la filière car d’énormes économies sont censées avoir été faites pendant la période où le prix du baril était au plus bas sur les marchés mondiaux, alors que les prix du carburant n’avaient pas chuté à la pompe au Cameroun. 

Vue arienne sur un carrefour de Douala la nuit
Henri Fotso Correspondant au Cameroun pour le programme francophone de la Deutsche Welledwfrancais