Cameroun : qui en veut à Ni John Fru Ndi ?
19 octobre 2018Me Francis Sama, l'un des avocats du SDF, affirme sans retenue que ce sont les séparatistes armés des deux provinces anglophones : le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, qui sont à l’origine de ces deux incidents.
Et même s’il reconnaît l'existence d'éléments incontrôlés, ces accusations sont rejetées par Ivo Kuka, l'un des chefs militaires de l'Ambazonia Force, l’armée constituée par ses séparatistes.
"Nous n'avons pas à 100% le contrôle de nos forces qui sont sur le terrain. Si nos forces veulent prendre Ni John Fru Ndi, ça ne va pas nous prendre une ou deux minutes. On va le prendre. C'est parce qu’on le respecte. C’est un père qui a amené la démocratie, qui a ouvert nos yeux (Ndlr, Ni John Fru Ndi). S'il va au delà, on va l'arrêter. Pour le moment, ce n'est pas nous qui tirons les ficelles", explique t-il.
Trahison ?
Les forces armées indépendantistes sont suspectées en ce sens que l’opposant Ni John Fru Ndi et sa formation politique, le SDF, se sont clairement prononcés contre l’indépendance des deux provinces anglophones. L'opposant prône le fédéralisme. Conséquence : Ni John Fru Ndi, issu de l’une de ces deux provinces est considéré comme un traître, par une partie des indépendantistes.
En revanche, l’avocat Agbor Balla Felix Nkongho, l'un des meneurs de la grève des avocats qui a donné le coup d'envoi des violentes manifestations pour l'indépendance des provinces anglophones appelle à le respecter.
"Pour moi, ce n'est pas un traître. C'est un leader politique. Le SDF (Social Democratic Front ), c’est un parti pour la fédération. Donc, ce n'est pas pour la séparation. Ce n'est pas un parti anglophone. C'est un parti national. Donc, si tu es en train de lutter pour avoir un Etat, tu dois respecter aussi les gens qui ne pensent pas comme vous. Ça c'est la démocratie."
Clivage
Selon l’éditorialiste, Guy Zogo, ces événements viennent confirmer le clivage jusque-là, latent, entre Ni John Fru Ndi et les sécessionnistes.
Selon lui, "qu'on en vienne à incendier le domicile de Ni John Fru Ndi, lui qui est pour le fédéralisme et à enlever sa petite sœur, qui jusqu'ici est portée disparue, il faut donc comprendre que le discours s'est considérablement radicalisé. Il n'est plus question de l'option du fédéralisme, qui était encore acceptée il y a quelques mois, soit mise encore sur la table dans cette partie du Cameroun."
Des tensions croissantes déjà illustrées le weekend dernier lorsque les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur le chauffeur du président du SDF, Ni John Fru Ndi. Un acte qui fait monter la spirale de violence dans les deux provinces anglophones du Nord-ouest et du Sud-ouest, en proie à des tensions depuis octobre 2016.