Cédéao : "Aujourd’hui, les élèves aussi sont inquiets"
15 février 2024La Cédéao doit gérer de multiples crises et surtout, l’annonce du retrait de l’organisation de trois pays, le Mali,le Niger et le Burkina Faso. Ignace Koffi Kouassi pense que les différentes parties gagneraient à s’entendre pour éviter que l’organisation n’implose. Depuis 2019, il a créé le Club Cédéao. L’objectif : diffuser chez les jeunes les idéaux de la Cédéao.
Ignace Koffi Kouassi : Nous avons créé un site internet, www.clubcedeao.com , sur lequel bien sûr nous sensibilisons. Il y a aussi les réseaux sociaux, au travers desquels nous sensibilisons les élèves, nous parlons de la Cédéao et de l'esprit même de la Cédéao voulu par les pères fondateurs.
Nous allons souvent dans des écoles pour parler de la Cédéao, nous organisons des conférences que nous animons, nous organisons des campagnes.
Donc quand les élèves, les étudiants (qui très souvent ont une vision assez éloignée ou ne comprennent pas la Cédéao) participent à ces rencontres et à ces formations, à ces campagnes de sensibilisation et même à ces concours, ils comprennent mieux la Cédéao. Parce que très souvent on est loin, on pense que la Cédéao, c'est juste un club de chefs d'Etat qui se réunit, qui prend des décisions.
Donc très souvent, les citoyens ne voient pas réellement les actions pragmatiques ou pratiques de la Cédéao dans la vie quotidienne. Or, c'est grâce à l'éducation qu'on peut bien sûr faire comprendre ces choses-là. Et c'est ce que nous aspirons à faire, bien sûr, à l'école.
DW : Est-ce que les élèves que vous rencontrez souvent sont inquiets pour l'avenir de la Cédéao ? Est-ce qu'ils en attendent plus, par exemple ?
Ignace Koffi Kouassi : Les élèves sont inquiets, bien sûr. Ils comprennent mieux les enjeux aujourd'hui. Mais il manque des enseignements pratiques, des explications sur le fond des choses. Donc souvent les élèves se limitent juste aux informations racontées par-ci par-là ou aux commentaires sur les réseaux sociaux pour se faire une idée de la Cédéao.
Or c'est nous, les enseignants, qui devons mieux expliquer, sans passion bien sûr, la réalité. Et donc aujourd'hui les élèves sont inquiets. Mais certains épousent carrément un certain nombre de conceptions : ils comprennent que d'autres pays souhaitent sortir de la Cédéao. Mais souvent sans comprendre même ce que la Cédéao fait.
La Cédéao c'est pas seulement les questions politiques, mais il y a aussi l'interconnexion routière, l'interconnexion énergétique. Il y a la circulation des biens. Il y a des mécanismes qu'on met en place pour harmoniser les politiques, le tarif extérieur commun. Donc il y a un certain nombre de choses que les gens ne comprennent pas et c'est ce que nous nous attelons aujourd'hui à faire comprendre.
DW : Est-ce que votre enseignement a changé depuis l'annonce des trois pays de quitter la Cédéao ?
Ignace Koffi Kouassi : Au niveau des élèves, il est toujours question d'enseigner l'histoire de la Cédéao, de faire comprendre comment la Cédéao a été créée, ses objectifs, ses principes, mais aussi son fonctionnement. Pour le moment, nous n'avons rien à changer, ni au niveau des cours, ni au niveau de la carte même que nous utilisons avec les élèves.
DW : Cela veut dire aussi que vous continuez de dire aux élèves que la Cédéao compte 15 membres. Votre slogan au sein du club Cédéao, c'est : "Ensemble, bâtissons la communauté des peuples". Le reproche fait à la Cédéao, c'est que l'organisation ne serait pas une Cédéao des peuples, elle est considérée comme trop politique, délaissant même l'essence de sa création, l'intégration économique. Quelle réaction avez-vous par rapport à cela ?
Ignace Koffi Kouassi : On ne peut que prendre acte de ce qui se passe et encourager bien sûr les initiatives en termes de dialogue, en termes de négociation, pour que l'Union puisse bien sûr revenir au sein de l'espace communautaire. La division n'arrange personne. Aujourdhui, la configuration géopolitique dans le monde montre que les regroupements bien sûr rendent encore plus dynamiques les politiques de développement. Plus on est ensemble, mieux ça marche.
DW : Si le départ de ces trois pays est acté par la Cédéao, est-ce que vous pensez au'il y aura un impact direct pour les populations de l'Afrique de l'Ouest ?
Ignace Koffi Kouassi : Il y a tellement d'interdépendance entre les quinze Etats membres, sur les questions politiques, sur les questions d'infrastructures, sur les questions énergétiques, sur les questions migratoires. Il y a tellement d'enjeux et tellement d'interdépendance.
Si ces trois Etats venaient réellement à sortir de la Cédéao, il y a beaucoup de choses qu'on va devoir revoir pratiquement au niveau même de la libre circulation des biens et des capitaux, au niveau des politiques harmonisées, des politiques industrielles, des politiques agricoles, au niveau de beaucoup de choses. Il va falloir revoir tout cela. Cela va vraiment impacter la géopolitique, même sous-régionale et je pense que ça ne sera ni à l'avantage de la Cédéao elle-même, ni des pays qui sortent aussi.
Article mis à jour jeudi le 22.02.2024 à 19h58