La Colombie comme modèle de paix pour l'Ethiopie ?
25 novembre 2021En visite en Colombie, le secrétaire général des Nations unies lance un "appel urgent" au Premier ministre éthiopien à "un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel afin de sauver le pays".
Antonio Guterres dit s'inspirer du "processus de paix en Colombie", cinq ans après la signature de l'accord de paix entre le gouvernement et la rébellion des FARC. Bien que les situations dans les deux pays soient bien différentes.
C'est à un "dialogue inter-éthiopien" qu'appelle d'abord Antonio Guterres, à l'exemple de celui qui a conduit à l'accord de paix passé en Colombie entre le gouvernement et les FARC, en 2016.
Un long chemin avant la paix
La guérilla des FARC naît officiellement en 1964. D'inspiration communiste, elle s'appuie sur des franges de population persécutées ou lésées par le gouvernement conservateur, essentiellement dans les milieux ruraux : des populations "indiennes", des paysans des Cordillères, des noirs.
Le mouvement se finance notamment en prélevant des taxes auprès des cultivateurs de coca et peut ainsi mener son combat durant des décennies.
Des pourparlers de paix avec le gouvernement central ont lieu dès les années 1980 mais, selon la sociologue Olga Gonzalez, il n'y a de véritable volonté politique de les voir déboucher sur un accord qu'à partir de 2012.
Accord de paix en cinq points
Et ce n'est qu'en 2016 que des accords de paix sont signés avec les FARC, malgré les attentats et les meurtres qui continuent, au nom de l'établissement d'un rapport de force. Des accords en cinq points que résume ainsi la chercheuse associée à l'université Paris Diderot, actuellement en Colombie :
"Il y avait trois points relatifs à la fin du conflit, à la réinsertion des combattants et à la reconnaissance des victimes. Et deux points plus centraux sur le narcotrafic et créer des opportunités pour les paysans à la campagne."
Bilan mitigé
Les trois premiers points ont été plutôt respectés, estime Olga Gonzalez, la guérilla des FARC s'est commuée en parti politique (Los Communes), mais les deux points centraux, clefs de voûte de la paix, ont été négligés. Cinq ans plus tard, le narcotrafic continue de miner la Colombie et les conditions de vie ne se sont pas améliorées dans les milieux ruraux.
Par ailleurs, ces accords de paix n'ont pas mis fin à la violence dans le pays : certains dissidents des FARC n'ont pas voulu les signer et, depuis 2016, 300 démobilisés sur 13.000 ont été assassinés.
D'autres groupes armés sont toujours actifs, comme les groupes paramilitaires d'extrême-droite, les narcotrafiquants…
Un mieux pour la Colombie
Malgré tout, pour Olga Gonzalez, "ça va mieux en Colombie depuis les accords de paix" de 2016 qui ont permis de mettre fin au conflit ouvert. D'ailleurs, "aujourd'hui en Colombie, il y a globalement un sentiment que c'était bien de faire les accords de paix, il y a moins de résistances, explique la chercheuse.
Elle poursuit : "Il y a deux ans encore, beaucoup critiquaient les accords de paix, l'opposition politique, mais aussi le gouvernement qui disait que c'était une concession infinie aux FARC, que le pays était dans les mains des communistes. Mais c'est faux et d'ailleurs aujourd'hui, le gouvernement tient moins de tels propos."
La politique par d'autres moyens
Un bilan en demi-teinte, toutefois, car Olga Gonzalez déplore que "l'usage de la violence politique pour régler les problèmes est devenu pratiquement une culture." Selon elle, "c'est une des choses à changer : [...] essayer de montrer qu'on peut aussi faire de la politique autrement que par des moyens violents."
Contrairement aux Tigréens en Ethiopie, les FARC n'ont jamais été au pouvoir dans le pays. Il n'y a pas de dimension ethnique non plus dans ce conflit de Colombie.
Mais peut-être est-ce simplement cet aspect du "modèle colombien" qu'Antonio Guterres a voulu mettre en avant pour les Ethiopiens : la possibilité pour des ennemis jurés de s'asseoir autour d'une table pour négocier et décider de faire la paix.