Pourquoi les récentes inondations à Abidjan sont inédites
21 juin 2024"Ce problème dure depuis 2017, les inondations répétitives… parce que le coin du passage d’eau, qui était vers le 35e arrondissement, est devenu une cité. Le lieu où l’eau se regroupait est bouché par des villas. Donc l’eau se fraie un chemin par la force", raconte David N’Guessan.
David N’Guessan habite dans une cité du quartier de la Riviera Palmeraie, dans la commune de Cocody. Lui et ses voisins ont vu leurs maisons inondées ou leurs biens emportés par les eaux.
Car le district d’Abidjan en Côte d'Ivoire est sous les eaux depuis quelques jours et, contrairement aux années précédentes, les dégâts les plus importants sont enregistrés dans la commune résidentielle de Cocody, où il est tombé 205 millimètres de pluie en 72 heures, soit un quart des précipitations attendues sur l’ensemble des trois mois de la saison pluvieuse.
Problèmes d’urbanisation
Si les inondations sont importantes dans cette commune chic et résidentielle, c’est en grande partie parce que les règles d’urbanisation ne sont pas respectées. La pression immobilière est telle dans ces quartiers que de grosses villas ou des immeubles sont bâtis sur des ouvrages d’assainissement, ou à proximité de bassins d’évacuation.
Bernard Boitini, un cadre à la retraite, a tout perdu dans sa maison qui s’est effondrée. Il évalue les dégâts à plus de soixante millions de francs CFA. Il connaît bien les causes de ces inondations.
"Avant 2018, on n’avait pas d’inondation dans cette cité. Et depuis que ces immeubles ont été construits, tout a changé. D’abord, lorsqu’il y avait ce chantier, nous avons attiré l’attention de ceux qui étaient sur le chantier pour leur dire que c’est le coin de passage de l’eau. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus. On a implanté des immeubles et aujourd’hui, nous en sommes au deuxième dégât."
Si autrefois, les inondations étaient réservées aux quartiers populaires, par manque d’ouvrages d’assainissement de voies bitumées, aujourd’hui, l’incivisme, le bétonnage des espaces verts, les constructions anarchiques et l’absence d’expertise dans la réalisation des ouvrages a fait de Cocody la commune la plus inondée du district d’Abidjan.
Ici, les égouts et les caniveaux sont par endroits transformés en dépotoirs. Joseph Amon, le président de l’ordre des architectes de Côte d’Ivoire, en a fait le constat.
"La population a construit sur les canalisations, ça c’est certain. Et donc ça obstrue, ça ralentit le débit des eaux. Et les réseaux qui ont été dimensionnés sont automatiquement obstrués, modifiés par la population et ils sont aujourd’hui inadaptés. Il faut les reprendre. Et je crois qu’il faut qu’on accepte de libérer ces espaces."
Inondations meurtrières
Joseph Amon explique que les anciens quartiers de la ville d’Abidjan sont les plus sûrs en cette saison pluvieuse.
"Quand vous regardez bien ces différents quartiers anciens, après la pluie, dans des délais qui sont très courts, toutes les eaux sont évacuées. Ça veut dire que les réseaux ont été suffisamment bien dimensionnés."
Dans cette même commune de Cocody, il n’est pas étonnant de voir des supermarchés construits au mauvais endroit, ou bien le siège d’un opérateur mobile installé à la sortie des évacuations d’eau.
Les conséquences des inondations sont dramatiques : au moins deux immeubles se sont effondrés en moins d’une semaine, dont un à Cocody qui a provoqué un décès.
Des glissements de terrain ont eu lieu dans plusieurs quartiers, provoquant de nombreux dégâts matériels, tandis que plus de 368 personnes ont dû être secourues par les sapeurs-pompiers.
A ce jour, le bilan est de 21 décès et cinq disparus dans l’ensemble du district d’Abidjan.