Coup d'envoi du festival de Bayreuth
24 juillet 2008C'est LE rendez-vous annuel des inconditionnels de l'oeuvre de Wagner et de ses opéras empreints de mythologique germanique : le festival de Bayreuth. Il se tient pendant un mois sur la « Colline verte », le lieu sacré où ont lieu toutes les représentations. Au programme notamment: Parsifal, qui traite de la quête du Saint-Graal, de la victoire du bien sur le mal. Parsifal fait l'ouverture cette année de la 97e édition du festival, en présence de la chancelière allemande.
« Bayreuth fait partie de l'Histoire allemande. Ses erreurs sont les erreurs de notre nation. En ce sens, la musique wagnérienne est devenue une institution nationale à laquelle nous nous identifions. Nous ne pouvons effacer aisément les chapitres les plus sombres de notre passé. »
Walter Scheel, en 1976, à l'occasion du centenaire de la création du festival. L'ancien président de la République fédérale fait allusion aux relations intimes qu'entretenait avec les dirigeants nazis la famille de Richard Wagner, le compositeur mort en 1883. La mère de l'actuel directeur - Wolfgang Wagner - était une amie intime d'Adolf Hitler. Après la Seconde Guerre mondiale, Wolfgang et Wieland Wagner, les petits-fils du créateur de Parsifal - écartent leur mère trop compromise et dirigent d'une main de fer la manifestation, jusqu'à la mort de Wieland en 1966. Depuis lors, et pendant un mois encore, c'est Wolfgang le maître absolu de la Colline Verte :
« La quintessence de mon travail, je la vois dans la création de la Fondation Richard-Wagner qui a assuré l'existence du festival. J'ai beaucoup lutté pour la pérennité de la manifestation. »
Une lutte pour la pérennité du pouvoir également pour Wolfgang Wagner, aujourd'hui âgé de 89 ans. Une lutte pour sa succession également, qui fait rage depuis plus de dix ans, et qui fait depuis régulièrement la une des tabloids allemands. La direction de Bayreuth doit rester entre les mains de la famille Wagner. C'est la tradition qui le veut. Seulement voilà, la famille du compositeur, c'est un mélange d'intrigues à la « Dallas » et de drames façon tragédie grecque. Pour résumer : Fâché avec sa fille Eva qu'il a eue d'un premier mariage, Wolfgang ne s'entend pas non plus avec sa nièce Nike. En 2001, le petit-fils du compositeur refuse la nomination d'Eva, pourtant votée par le Conseil de la Fondation qui chapeaute le festival. Le patriarche souhaite plutôt placer sa seconde femme Gudrun à la tête du festival, ou sa fille cadette Katharina. La transition commence à se faire sensiblement, alors que les grincements de dents se font de plus en plus entendre côté Nike Wagner, la nièce…
"Il est de plus en plus évident que le festival est dirigé par deux femmes : par Gudrun Wagner, qui n'a clairement pas été choisie par le Conseil de la Fondation, et par Katharina, la fille."
Et puis patatras, Gudrun, la seconde femme - beaucoup plus jeune - de Wolfgang meurt subitement, en novembre 2007. Forcing de Katharina, sa fille:
« Je me sens tout à fait capable de diriger le festival. Ce qui m'importe, ce n'est pas d'avoir le titre de directrice, c'est l'avenir de Bayreuth. Il y a simplement quelques conditions que j'aimerais poser. »
Katharina, 30 ans, se rapproche alors d'Eva, 63 ans, sa demi-sœur, autrefois évincée. Une alliance bénie finalement par le patriarche fatigué qui annonce son retrait de la direction du festival de Bayreuth dont il s'était pourtant proclamé le titulaire à vie. "Ouf" s'exclame-t-on un peu partout.
Il est temps en effet de se consacrer à la musique. Comme le font chaque année près de 60 000 personnes. Les billets pour toutes les représentations (sur un mois !) sont écoulés en l'espace de quelques secondes. La demande est près de dix fois supérieure à l'offre. Nouveauté cette année : le festival prévoit une présentation sur écran géant et une retransmission par internet - au tarif de 49 euros - des "Maîtres chanteurs". Un accès à cette présentation numérique qui sera toutefois limitée à environ 10 000 personnes. On paie jusqu'à 2000, 2500 euros pour une représentation sur la Colline verte, sans parler du marché noir.