Pandora Papers : une presse censurée en Côte d'Ivoire ?
15 octobre 2021La publication des Pandora Papers a créé une polémique en Côte d'Ivoire. En effet, les révélations sur les sociétés offshores et l'évasion fiscale ont mis en cause des dizaines de responsables politiques dans le monde. Et parmi eux, le Premier ministre ivoirien Patrick Achi. Or, le journal ivoirien l'Eléphant Déchaîné, pourtant partenaire du consortium international d'investigation, a finalement annulé la publication de cette enquête. Le journaliste qui a travaillé sur le sujet et le directeur de l'hebdomadaire s'accusent mutuellement.
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Un report puis une annulation
La mise en cause du Premier ministre ivoirien Patrick Achi a rendu cette affaire d'évasion fiscale virale sur la toile en Côte d'Ivoire.
L'hebdomadaire ivoirien L'Eléphant déchaîné devait publier l'enquête le 5 octobre dernier. Mais celle-ci a été reportée avant d'être finalement annulée, dévoilant une polémique entre le journaliste responsable de l'enquête et le patron du journal.
Assalé Tiémoko, le directeur général de l'Eléphant déchaîné, explique ainsi les raisons de son refus de publier l'enquête dans son journal : "En tant que patron d'entreprise, au moment du montage de l'article, on a découvert qu'il y'avait une nouvelle pièce dont on n'avait pas connaissance au moment où l'article se faisait. Et donc on a estimé qu'il fallait différer la publication pour aller vérifier avant publication. Malheureusement, le journaliste employé par l'Eléphant déchaîné a estimé qu'il fallait qu'il publie absolument son papier en dehors du journal, et il est allé le publier ailleurs. Voilà tout ce qui s'est passé.''
Noël Konan, le journaliste qui a mené cette enquête en Côte d'Ivoire, a publié son article sur internet. Il dit avoir informé sa hiérarchie de toutes les étapes de son enquête. Mais Noël Konan ne comprend pas la volte-face de son directeur qui aurait eu lieu, selon lui, après la rencontre de ce dernier avec le Premier ministre ivoirien Patrick Achi.
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‘'Après mon patron m'a appelé pour me demander quelques informations sur l'enquête que je menais. C'est comme ça que j'ai mis à sa disposition certains documents. Il a analysé. Quelques temps après il m'a demandé s'il était illégal de créer une société off-shore. Sa question m'a paru un peu bizarre. Parce qu'ici se pose un problème d'éthique. Donc après avoir été reçu le 9 septembre par le Premier ministre, sans moi, le samedi 10 il m'a appelé pour me dire qu'il avait rencontré le Premier ministre et que ce dernier s'était expliqué. Mais aussi qu'il estimait, si on n'a pas d'éléments assez probants, que ce n'est pas la peine de publier cette enquête. Car ça pourrait créer des amalgames puisqu'il a des ambitions par rapport à 2025 au niveau du RHDP", raconte Noël Konan qui se demande si "on est journaliste ou on est là pour défendre un homme politique ?''
Pas d'autocensure
Assalé Tiémoko explique pour sa part qu'il a rencontré le Premier ministre ivoirien au détour d'un rendez-vous de l'association des élus locaux. Le journal aurait-il donc subi une pression de la part de Patrick Achi au cours de cette rencontre ? Le directeur du journal aurait-il décidé ensuite de censurer l'article du journaliste Noël Konan? Selon Assalé Tiémoko s'explique son journal n'a jamais piétiné les règles d'enquête. "A l'Eléphant déchaîné on n'a jamais censuré un papier depuis dix ans que ce journal existe. Patrick Achi n'a fait aucune pression sur moi. Il n'y a eu aucune pression. On ne s'est pas autocensuré. C'est le journaliste en question qui a fait son enquête et qui l'a déjà publié. Et donc nous on n'a plus à l'Eléphant déchaîné à publier ce document. C'est déjà publié sur les réseaux sociaux. Tout le monde l'a déjà vu. Quel intérêt on a encore à aller publier ça ? Personne ne va lire ça. C'est déjà paru.''
Si Noël Konan et Assalé Tiémoko semblent se contredire sur les raisons de la non parution de l'enquête qui met en cause Patrick Ashi, chacun se renvoyant la faute, une chose est certaine : la Côte d'Ivoire est un des rares pays concernés par les Pandora Papers où cette enquête est passé inaperçue. Du moins dans les médias traditionnels puisque la publication sur internet a été très suivie.