La Côte d'Ivoire dissout tous les syndicats étudiants
18 octobre 2024Créée en 1990 pour défendre les droits des étudiants, la FESCI s’est rapidement fait connaître pour ses méthodes brutales : bastonnades, expulsions des chambres et interruptions de cours. Ces méthodes, qui ont parfois mené jusqu’au meurtre, expliquent l’interdiction prononcée ce jeudi. Cette décision marque probablement la fin de l’histoire de ce syndicat, qui a vu passer dans ses rangs des figures majeures de la vie politique ivoirienne, telles que Guillaume Soro et Charles Blé Goudé.
Dans la nuit du 29 au 30 septembre 2024, le corps sans vie de Mars Aubin Déagoué, 49 ans, membre de la FESCI, a été découvert entre le campus et le CHU de Cocody, à Abidjan. Selon le procureur, la victime portait des traces de violence. Le 14 octobre dernier, une autre personne, dont l’identité n’a pas encore été dévoilée, a été retrouvée morte presque au même endroit. Ces crimes ont poussé l'exécutif ivoirien à annoncer, ce jeudi, la dissolution de toutes les associations syndicales estudiantines.
La dissolution diversement appréciée
"La dissolution, pour moi, ne va pas résoudre le problème. Donc, je conclus en disant : la dissolution n’est pas la solution", estime Diomandé Mory, ancien membre du bureau national de la FESCI.
L’écrivain Clément Ewouedjié, quant à lui, juge : "Alors que les enquêtes n’ont pas encore révélé les auteurs présumés des crimes, je ne pense pas qu’il soit opportun que le Conseil national de sécurité prenne la décision de dissoudre ces mouvements. Cela ne facilitera pas la tâche des enquêteurs."
"La FESCI existe pour défendre les droits des étudiants et élèves. Mais elle a échoué dans sa mission. Prendre la vie d’étudiants, ce n’est pas juste", déplore Florent, un étudiant.
La FESCI a souvent été accusée d’activités illégales au cours de son histoire, sans pour autant être condamnée par la justice. En 1991, à peine un an après sa création, le syndicat a été soupçonné d’avoir orchestré le meurtre de Thierry Zébié, tué sur le campus de Cocody, à Abidjan.
Pourtant, la création de la FESCI répondait à un besoin réel de protection des intérêts des étudiants, comme le rappelle Eugène Djué, deuxième secrétaire général et membre fondateur du mouvement. "En 1990, nous étions 35 000 étudiants alors que les infrastructures étaient prévues pour 6 000. Évidemment, des problèmes sont apparus, et nous avons créé ce mouvement pour défendre les droits des étudiants."
Cependant, la toute-puissante FESCI s’est également illustrée par des pratiques lucratives telles que la sous-location des chambres, pas uniquement aux étudiants, dans les cités universitaires, générant des revenus considérables pour le syndicat.
Des pratiques illicites
Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement, a récemment déclaré que la FESCI occupait illégalement 35 % des capacités d’hébergement sur les campus universitaires, soit un peu plus de 5 000 lits.
La FESCI a également attiré l’attention des responsables politiques, qui ont cherché, au fil des décennies, à obtenir son soutien. Elle a servi de tremplin à plusieurs figures politiques, comme Guillaume Soro et Charles Blé Goudé, qui ont tous deux été secrétaires généraux du syndicat.
Sur les campus, la FESCI organisait également des services d’ordre, et lors des récentes perquisitions menées par la police, de nombreuses armes, telles que des machettes et des gourdins, ainsi que des tenues militaires, ont été découvertes.
Guy Mao, ancien membre de la FESCI, propose que "la FESCI réinvente sa manière de faire du syndicalisme. Qu'elle cesse de montrer des images d’étudiants armés de machettes."
Suite aux deux meurtres d’étudiants, 17 membres de la FESCI, dont son secrétaire général Sié Kambou, ont été interpellés le 3 octobre et placés sous mandat de dépôt.