Le droit à l'avortement en cas de viol réclamé au Burundi
6 décembre 2017Au Burundi, un pays en crise violente depuis deux ans, certaines associations de défense des droits des femmes demandent la légalisation de l'avortement en cas de viol. Le projet fait débat dans le pays, les défenseurs des droits des enfants dénonçant cette demande. Mais chaque année des centaines de femmes sont victimes de viols. 3.346 cas ont été recensés depuis 2014 dans quatre provinces de l'ouest du Burundi. Leur nombre a augmenté avec la crise que traverse le pays et les associations estiment qu'il est urgent de permettre l'avortement.
Droit à se reconstruire
La capitale Bujumbura arrive en tête de ce triste classement, avec le nombre de viols le plus élevé. Ce sont ces chiffrent qui incitent de plus en plus de Burundaises à plaider pour la légalisation de l'avortement en cas de viols. "Selon les enquêtes que nous avons conduises, de nombreuses filles meurent en se faisant avorter clandestinement", raconte Espérance Ntirampeba, présidente du réseau "Ombre de la femme". Elle raconte les conséquences dramatiques que peuvent avoir ces viols : "Une fille victime peut avoir des troubles psychologiques. Dans les villages, d'autres sont stigmatisées. C'est comme un accident. Il faut donc qu'elles aient ce droit", insiste Espérance Ntirampeba.
Pour l'heure, les femmes qui se font avorter clandestinement courent d'énormes risques. Elles peuvent mourir ou attraper de sévères infections. La prison est une des sanctions infligées à celles qui ont recours ou qui pratiquent l'avortement clandestin. Au Burundi, les avis sont largement contre la possibilité de légaliser l'avortement en cas de viol. Les femmes comme Espérance Ntirampeba sont certes favorables à l'avortement thérapeutique, mais elles restent opposées à l'Interruption volontaire de grossesse (IVG).
"Violation des droits humains"
D'autres sont donc carrément totalement opposés à toute forme d'avortement, quelles que soient les circonstances. "La loi pénale burundaise réprime l'avortement. Cela s'explique par l'intérêt de l'État burundais de protéger le fœtus", estime par exemple Jacques Nshimirimana, le président de la Fédération nationale des associations engagées dans le domaine de l'enfance au Burundi. Il estime qu'aucune raison ne peut justifier la dépénalisation de l'avortement, même le viol. "Rien n'expliquerait pourquoi on se cache derrière les victimes des violences sexuelles pour demander au gouvernement de dépénaliser l'avortement", selon lui.
Il estime même que cette légalisation de l'avortement serait synonyme de violation des droits humains. "Imaginez vous, si 80% de femmes décident de le faire ainsi, on risquerait alors de se retrouver sans bébé et ce serait la fin de la population burundaise!", réagit-il.
Aujourd'hui huit centres spécialisés et 52 hôpitaux traitent gratuitement les victimes de viols contre les maladies sexuellement transmissibles, dans les 72 heures qui suivent leur agression. Néanmoins, les victimes restent mal informées et n'ont pas toujours recours à ce type de soutien. Les défenseurs des droits des femmes et des enfants sont là pour les aider à se reconstruire après un viol.