Second volet de notre entretien avec l'historien Henri Médard, professeur d’histoire de l’Afrique contemporaine à Aix-Marseille Université et membre de l’Institut des mondes africains.
La semaine dernière, il nous a expliqué comment les sociétés humaines se pervertissent pour légitimer la pratique de l’esclavage. Aujourd’hui, il nous parle notamment du travail des historiens, de leurs sources, et de différences qui existent entre la traite atlantique et l’esclavage arabo-musulman organisé dans la Corne de l’Afrique et sur la côte Est du continent.
Il n’existe que des estimations imprécises du nombre d’Africains vendus sur les marchés d’Orient et d’Afrique du Nord, et ces chiffres sont parfois très différents d’une source à l’autre.
Ces variations sont dues en partie aux archives organisées différemment selon les sociétés de référence et aux pertes conséquentes enregistrées : des chercheurs estiment qu’environ trois esclaves sur quatre mouraient avant même d’arriver sur le marché où ils devaient être vendus. A cause de la faim, de maladies, ou de l’épuisement dû aux conditions du voyage.
Les répercussions de l‘esclavage pratiqué en Afrique orientale ne sont pas aussi visibles de nos jours que les affres sociales et économiques de la colonisation de l’Afrique par les Occidentaux, analyse l’écrivain sénégalais Tidiane N’Diaye. Il regrette que de nombreux intellectuels africains ne débattent pas assez de ce qui s’est passé pendant des siècles en Afrique orientale :"la plupart des écrivains africains ont renoncé par solidarité religieuse, affirme-t-il, à publier des ouvrages sur la traite arabo-musulmane".
Par ailleurs, il rappelle que des formes d'assujettissement et d'exploitation d'êtres humains continuent d'exister aujourd'hui encore, ce qu'on qualifie d'"esclavage moderne".
Droits et Libertés est une émission préparée, produite et présentée par Sandrine Blanchard
Avec un merci cette semaine à Henri Médard