Ethiopie et Erythrée font un geste méfiant vers la paix
26 juin 2018L'Ethiopie a tout fait pour soigner l'accueil de la délégation érythréenne. À l'aéroport, il y avait des athlètes olympiques, des vedettes de la chanson et des responsables religieux.
La délégation érythréenne est composée du ministre des Affaires étrangères accompagné d'autres officiels. Dans un tweet, le chef du cabinet du Premier ministre éthiopien a indiqué qu'Abiy Ahmed "s'attend à une visite qui pose la fondation d'un avenir radieux pour l'Ethiopie et l'Erythrée."
Un espoir qui transparaît dans les propos du porte-parole de la diplomatie d'Addis Abeba. Interrogé par la Deutsche Welle, Melese Alem déclare que l'Ethiopie et l'Erythrée ont "certains héritages et valeurs culturelles en partage. Donc cette rencontre témoigne du genre de relations que nous voulons avoir avec les autorités de l'Erythrée. L'impact de cet effort de paix entre l'Ethiopie et l'Erythrée sera important non seulement pour les rapports bilatéraux entre nos deux pays. Cet impact sera grand pour la stabilité au niveau régional dans la Corne de l'Afrique."
Le Premier ministre Abiy Ahmed a annoncé que la compagnie aérienne éthiopienne (Ethiopian Airlines) recommencerait bientôt à desservir l'Erythrée.
Des décennies de relations tendues
Après trente ans de guerre, l'Erythrée devient le 24 mai 1993 indépendante de l'Ethiopie au sein de laquelle elle constituait une région autonome. L'Ethiopie perdait ainsi son unique façade maritime sur la mer rouge.
Cinq ans plus tard, une nouvelle guerre a éclaté autour d'un territoire situé à la frontière entre les deux pays. Le conflit a fait près de 80.000 morts. L'armistice n'est intervenu qu'en 2000 avec l'accord d'Alger. Mais les revendications territoriales côté éthiopien continuent d'alimenter les tensions.
L'actuel rapprochement est une initiative du nouveau Premier ministre éthiopien qui tente de déployer un vaste plan de réformes. Martin Plaut, spécialiste de la Corne de l'Afrique salue la rencontre de ce mardi (26.06.) en rappelant que "ça a été 20 ans de fermeture de frontières dans un climat de ni guerre ni paix, avec des troupes qui se menacent et qui se défient et parfois des échanges de coups de feu. Donc tout ce qui potentiellement met fin à cette confrontation est plus que le bienvenu."
Mais l'expert Martin Plaut se veut prudent car la confiance n'est pas encore restaurée entre les deux pays. Il y a à ses yeux "énormément d'obstacles qui se profilent dont le principal est le manque de confiance. Parce que vous ne pouvez pas avoir eu une confrontation durant autant de temps et ne pas être dans une situation où chaque protagoniste regarde l'autre avec une grande méfiance. Donc la principale chose à faire c'est de restaurer la confiance et l'Union africaine a un grand rôle à jouer pour avoir été la garante de l'accord d'Alger qui a mis fin à la guerre entre les deux pays en l'an 2000. L'UA a vraiment intérêt à ce que cette initiative réussisse."
Une paix déstabilisatrice
D'après des observateurs, la paix pourrait se révéler inconfortable pour le président érythréen. Prétextant de la menace sécuritaire, Issaias Afeworki a instauré un régime d'alerte permanente.
Une chape de plomb que de nombreux Erythréens ne parviennent plus à supporter. L'Erythrée est ainsi un des principaux pays de départ de migrants en Afrique.