Fidèle à sa tradition d'alternance politique pacifique, le Ghana a élu dans le calme le candidat de l'opposition, John Mahama, comme nouveau président.
John Mahama, a remporté la présidentielle avec 56% des voix face au candidat du parti au pouvoir et vice-président du pays, Mahamudu Bawumia (41%).
Le National Democratic Congress de John Mahama a aussi remporté les élections législatives qui se tenaient du 7 décembre.
Les scrutins se sont déroulés dans le calme. Toutefois, une personne a été tuée par balle dans le nord du pays, tandis qu'une autre a été tuée, également par balle, dans la région centrale, selon la police.
Les deux principaux partis du Ghana, le New Patriotic Party (NPP) et le National Democratic Congress (NDC), ont alterné au pouvoir de manière égale depuis le retour au multipartisme en 1992.
Premier producteur d'or du continent et grand exportateur de cacao, le pays est considéré comme un investisseur privilégié sur le continent, et comme un modèle de stabilité dans une région secouée par de récents coups d'Etat, des défis constitutionnels et des insurrections.
Le Ghana, un modèle démocratique pour la région. Comment l’expliquer ? Selon Baïdessou Soukolgue, directeur exécutif de l'Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique (EISA), cela est surtout dû à la culture politique acquise dans le pays.
DW : Comment expliquer la bonne santé démocratique du Ghana avec ces alternances à la tête du pays ?
Christian Baidessou : Cela est d'abord dû à la culture politique très ancrée dans les mœurs des Ghanéens.
D'après une étude de baromètre, ils sont plus de 80 % de la population ghanéenne à plébisciter la démocratie comme le seul et meilleur système de gouvernement qui convient à la culture du pays.
Le deuxième facteur qui explique cette alternance, c'est le système politique bi-partisan du pays. On a d'un côté le NDC et de l'autre côté le NPP qui alternent au pouvoir depuis plusieurs années déjà. Et le fait que le pays ait adopté cette culture bi-partisane permet d'éviter la dispersion des voix et donc aux partis politiques de maintenir leur base électorale.
Le troisième élément qu'il faut considérer, c'est la vitalité des institutions démocratiques du pays. Vous avez des institutions de lutte contre la corruption, vous avez une commission électorale qui s'affirme et vous avez également les autres institutions qui ne se laissent pas faire. Vous avez également l'effectivité des institutions de contre-pouvoir et cela permet justement de conforter la culture démocratique.
Dernier élément, et non des moindres, le pays semble avoir tiré une leçon de son passé sombre. Il y a quand même eu douze ans de parti unique et 23 ans de règne militaire. Et le pays ne veut plus repartir en arrière.
DW : Alors donc, pour vous résumer, vous voulez dire que les Ghanéens disposent d'institutions fortes pour accompagner leur processus démocratique ?
Christian Baidessou : Effectivement, toutes les institutions essaient de jouer au mieux leur partition et elles servent de contre-pouvoir à l’action politique.
DW : Il y a le Ghana, il y a eu aussi le Libéria, le Nigéria, des pays où l'alternance a été possible. Ce sont des pays anglophones et c'est totalement différent, à l'exception du Sénégal, de ce qui se passe dans les pays francophones. Comment peut-on l'expliquer ?
Christian Baidessou : On serait tenté de dire peut-être qu'il y a une sorte de malédiction francophone. Mais en réalité, encore une fois, c'est une question de culture. Et on l'a vu au Sénégal, les politiques ont voulu faire embraser le pays, mais parce que le pays avait cette culture politique ancrée, l'armée se comportant en une armée républicaine, on a pu rectifier le tir et le pays a pu connaître cette alternance que tout le monde salue aujourd'hui. Ce qui n'est pas le cas dans la plupart des autres pays francophones où les pouvoirs sont assis sur une base clanique avec une armée clanique et cela ne permet pas l’émergence de contre-pouvoir fort et les restrictions qui vont avec font que la culture démocratique peine à s’affirmer.