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Etat de droitGuinée

Guinée: "La junte n'a pas tenu ses engagements" (opposition)

4 décembre 2024

Interview avec Moussa Baldé, président du parti d’opposition REM, la République émergente et moderne, et membre de l’Alliance nationale pour l'alternance et la démocratie (Anad).

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En Guinée, l’ancien président de l’Assemblée nationale a été condamné à quatre ans de prison. Amadou Damaro Camara est l’un des leaders du RPG, le parti de l’ancien président Alpha Condé. Il était notamment poursuivi pour enrichissement illicite et détournement de fonds publics.
La Guinée, où trois jours de deuil ont été décrétés en hommage aux supporters de foot morts dans la bousculade survenue dimanche, dans le stade de N’Zérékoré, dans le sud du pays. Les autorités évoquent un bilan provisoire de 56 morts, des organisations de défense des droits humains parlent, elles, de 135 morts, dont de nombreux enfants.

Quoiqu'il en soit, depuis l’arrivée au pouvoir de Mamadi Doumbouya par un putsch militaire, en 2022, les associations de défense des droits humains, les journalistes et les partis d’opposition dénoncent un climat de violence et des restrictions de la liberté d’expression.

Pour en parler, notre invité est Moussa Baldé, président du parti d’opposition REM, la République émergente et moderne, et membre de l’Alliance nationale pour l'alternance et la démocratie (Anad). Il regrette que la junte n’ait pas tenu ses engagements, notamment sur la fin de la transition, prévue initialement pour la fin décembre 2024.

Interview de Moussa Baldé

DW : Vous êtes le président du parti REM, en Guinée. Comment avez-vous réagi en apprenant qu'une bousculade a fait au moins une cinquantaine de morts dimanche dernier dans un stade dans la ville de N'Zérékoré ?

J'étais abasourdi. Comme tout être humain qui entend ce genre d'information. Les autorités donnent un bilan de 56 morts mais d'autres organisations donnent beaucoup plus que cela.

Donc déjà, c'est triste que nous soyons à nouveau en train de compter des morts.

Une fois encore de plus, en Guinée et surtout dans un stade... qui n'est vraiment pas un vrai stade parce qu'on a vu que toutes les conditions sécuritaires n'étaient pas réunies.

Donc c'est un sentiment de déception, de tristesse.

 

DW : Certaines voix en Guinée commencent déjà à accuser les autorités d'être co-responsables de ce bilan catastrophique pour avoir organisé ce tournoi de football dans des infrastructures qui n'étaient pas aux normes et puis ne pas avoir été en mesure d'assurer la sécurité de la manifestation sportive, alors même que c'était un tournoi en l'honneur du chef de l'exécutif.

Tout à fait. C'est d'ailleurs ce qui est très paradoxal en ce sens que organiser aujourd'hui des tournois et c'est ce qui est en train d'être fait dans toute la Guinée au nom du président de la transition, Mamadi Doumbouya.

Pour nous, c'est une campagne déguisée pour essayer de l'imposer après la période de transition qui est censée être terminée en le 31 décembre 2024. Parce que c'est son engagement à lui. C'est l'engagement du CNRD, donc c'est l'engagement du gouvernement. Quand ils ont pris le pouvoir sans aucune obligation, ils se sont engagés à organiser des élections, avant la fin de cette année, mais parce qu'ils n'ont rien fait, ils sont en train de perdre du temps. Ils sont revenus sur leurs engagements.

C'est ce que nous sommes en train de voir. On ne peut pas désigner d'autres responsables que ceux qui ont organisé ce tournoi.

 

DW : Une organisation internationale de défense des droits humains, Human Rights Watch a dressé une liste. Elle a tenté de recenser les violences qui ont eu cours en Guinée ces deux dernières années, avec de nombreuses répressions sanglantes de manifestations , des intimidations et l'absence de justice... avec des familles qui n'osent pas, par exemple, porter plainte pour demander des comptes suite à des violences qui auraient été perpétrées par des forces de l'ordre. Est-ce que c'est une situation qui correspond à la réalité ?

On enlève des personnes. Il y a des personnes qui disparaissent par la force, notamment le cas de Foniké Menguè et Billo qui sont encore portés disparus depuis pratiquement six mois, et à d'autres aussi qui ont été portés disparus.

Malheureusement, on a vu que les tueries ne se font pas seulement quand il y a des manifestations contre le pouvoir.

Parce que l'exemple de N'Zérékoré, ici, c'était une manifestation en faveur du pouvoir.

Donc la violence est devenue quelque chose de courant en Guinée. Et il y a un manque de justice. On ne sait pas à qui faire recours, ni comment. Parce que même si vous portez plainte, on ne voit pas de résultats.
Et malheureusement, moi, je pense qu'on ne peut pas aujourd'hui dire que la justice guinéenne est indépendante.


DW : Pourtant, il y a eu le procès du massacre du 28 septembre 2009 qui a pu se tenir et aboutir à des condamnations. Est ce que ça, c'était pas un espoir ?
On avait justement cru avoir une possibilité de sortie de crise par rapport à ces violences interminables.

Mais si les pratiques qui ont été jugées reprennent de plus belle, La justice n'est pas allée jusqu'au bout.

 

DW : Il y a aussi des syndicats de journalistes qui critiquent le manque de liberté d'expression, de liberté de la presse. 
Avec le cas emblématique de Sekou Djamal Pendessa... que faudrait-il faire selon vous pour que la situation s'améliore vraiment en Guinée ?

Il faut que les Guinéens puissent prendre conscience que les situations ne s'amélioreront pas tant qu'il n'y a pas d'entente, tant qu'il n'y a pas d'unité.

Pour que la violence cesse, il faudrait que la justice joue pleinement son rôle; que tu sois dans l'exécutif ou que tu sois un citoyen lambda, quand tu faillis à la loi, que tu puisses être amené à justifier tes actes:

Les coups d'Etat sont un problème qui a tendance à se généraliser [dans la sous-région] mais toute la population n'est pas prête à accepter ce recul démocratique que nous sommes en train de vivre sous le CNRD.