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L'Etat de droit en Guinée, 15 ans après le massacre de 2009

27 septembre 2024

Maître Halimatou Camara, membre du collectif de défense des avocats des parties civiles dans le cadre du procès du 28 septembre 2009 déplore la chape de plomb en cours dans le pays.

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Le chef de la junte militaire guinéenne, Mamadi Doumbouya entouré de millitaires
Mamadi Doumbouya a pris le pouvoir le 5 septembre 2021Image : John Wessels/AFP

En Guinée, le  28 septembre 2024, cela fera deux ans qu'a eu lieu le massacre dans un stade de Conakry. Selon l'Onu, ce jour-là, 156 personnes ont été tuées, plus de 100 femmes violées et plus d’une centaine de personnes portées disparues. Après deux ans de procès, la justice a rendu son verdict le 31 juillet dernier dans  cette affaire. Les faits ont été requalifiés en crimes contre l'humanité pour l'ex-président guinéen, Moussa Dadis Camara, au pouvoir à l’époque. Six hauts gradés ont été condamnés à de lourdes peines, allant de 10 ans de prison à la perpétuité. Quant aux victimes, elles ont obtenu des mesures de réparation et un soutien médical.

15 ans après, les questions sur les circonstances ayant conduit à ce drame subsistent toujours estime Maître Halimatou Camara, avocate, membre du collectif de défense des avocats des parties civiles dans le cadre du procès du 28 septembre 2009. Elle est au micro d'Eric Topona.

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DW : Maître Halimatou Camara, bonjour.

Maître Halimatou Camara : Bonjour.

DW : 15 après le massacre de Conakry, la justice a rendu son verdict en juillet dernier et les principaux commanditaires sont en prison. Etes-vous satisfaite ?

Maître Halimatou Camara : Je pense qu'en tant qu'avocat des parties civiles, nous avons senti une certaine satisfaction et un certain soulagement et nos clients l'ont d'ailleurs manifesté à plusieurs reprises depuis le délibéré du 31 juillet. Et je crois que cela également est dû au fait qu'ils attendent depuis près de quinze ans que la justice se prononce sur cette affaire.
 
DW : Pensez-vous que de tels drames peuvent survenir encore en Guinée en ce moment alors que plusieurs violations des droits de l'Homme sont enregistrées?

Maître Halimatou Camara : On est également dans un contexte de transition militaire et les événements du stade sont intervenus dans le cadre de violation d'atteinte au droit à la vie.
Tout simplement parce que ce jour, des Guinéens ont manifesté leur avis sur le fait qu'elle n'était pas d'accord pour permettre à un militaire de surcroît, qui était à la tête de la transition.
Et malheureusement, aujourd'hui, on a l'impression que les mêmes schémas sont en train de se répéter et c'est bien dommage pour notre pays.
Parce qu'aujourd'hui on est dans un contexte où depuis plus d'un an ou deux ans, les manifestations sont également interdites.
On est dans un contexte où des médias ont été fermés et on est également dans un contexte aujourd'hui où il y a un discours qui est distillé depuis quelques semaines déjà sur une éventuelle candidature du président de la transition.
Donc, nous pensons aujourd'hui qu'on est dans un schéma qui ressemble bien évidemment aux événements qui ont conduit au massacre du 28 septembre et que l'on est véritablement dans la peur aujourd'hui que les mêmes violations des droits humains se répètent.

Moussa Dadis Camara (à gauche) et son ex-aide de camp Toumba Diakité (à droite)
Moussa Dadis Camara (à gauche) et son ex-aide de camp Toumba Diakité (à droite) à Conakry en octobre 2009Image : SCHALK VAN ZUYDAM/AP/picture alliance

DW : Claude Pivi, l’homme le plus recherché de Guinée, également impliqué dans ce massacre, a été arrêté la semaine dernière au Liberia après son évasion il y a un an. C'est un soulagement non ?

Maître Halimatou Camara:  Oui. L'arrestation de Monsieur Claude Pivi depuis le Liberia est un soulagement pour les victimes.
Et je pense aussi que c'est même un soulagement pour l'ensemble des Guinéens.
Parce qu'on ne peut pas condamner un individu pour des crimes contre l'humanité et voir que cet individu a la force ou la capacité de se soustraire à la justice.

DW : Selon nos informations, il est plutôt bien traité dans une prison où les conditions semblent meilleures. Quelle est votre réaction ?

Maître Halimatou Camara:  Bon, je pense que Monsieur Claude Pivi a le droit d'être bien traité.
Il a le droit d'être consulté par un médecin, Il a le droit d'avoir une prise en charge médicale et même psychologique.
Il a le droit d'être traité comme le prescrit toutes les lois et toutes les conventions internationales à laquelle la Guinée est partie. C'est son droit le plus absolu.

DW : Pensez-vous qu'en Guinée, comme dans d'autres pays africain, on a tiré les leçons des événements du 28 septembre 2009 ?

Maître Halimatou Camara: Difficile de dire qu'on a tiré les leçons. Ça fait moins de trois mois que cette décision est rendue et vous avez déjà vu le contexte assez délicat de la Guinée elle-même. Aujourd'hui, on est dans un contexte où on est en train de commettre des crimes contre l'humanité en Guinée.
Vous êtes bien évidemment au courant des disparitions forcées dont font l'objet Monsieur Foniké Mengué et Monsieur Mamadou Biloba. Je pense qu' il est difficile de dire aujourd'hui qu'on est dans la perspective, que ce soit en Guinée ou en Afrique, de tirer les leçons. Cela, on le saura dans les cinq ou dix prochaines années pour pouvoir faire un bilan et tirer les leçons. Mais pour le moment, on a l'impression que non.

Des militaires guinéens à Conakry en décembre 2009
Des militaires guinéens patrouillent à Conakry en décembre 2009Image : Rebecca Blackwell/AP/picture alliance
DW MA-Bild Eric Topona
Eric Topona Journaliste au programme francophone de la Deutsche WelleETopona