L'avenir de la lutte pour le climat sous Donald Trump
11 novembre 2024La Cop29 s’est ouverte en Azerbaïdjan par un appel à la coopération mondiale. Les pays en développement réclament aux pays pollueurs des centaines de milliards de dollars d'aide pour lutter contre les affres du changement climatique.
L'émissaire des Etats-Unis à cette Cop29, qui est encore celui dépêché par le président sortant, Joe Biden, a tenté de rassurer le reste du monde en déclarant que les Etats-Unis n'abandonneront pas la lutte contre le changement climatique, malgré la réélection de Donald Trump à la Maison blanche risque d’avoir des répercussions sur les politiques en faveur du climat.
Définir le montant de la "dette climatique"
La Cop29 des Nations unies a pour enjeu principal de fixer le montant de l'aide climatique des Etats développés pour les pays en développement. Cette aide est destinée à leur permettre d’amorcer leur transition énergétique, c’est-à-dire de pouvoir renoncer aux énergies fossiles polluantes, mais aussi d’affronter les phénomènes météorologiques extrêmes.
L'année 2024 est d’ores et déjà la plus chaude depuis le début de l’ère industrielle, d’après des données du Service européen Copernic sur le changement climatique (C3S), la réélection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis fait craindre un recul des investissements pour le climat.
Un président climatosceptique
Donald Trump n’a en effet jamais caché son point de vue en la matière. Lors de son premier mandat, il a exprimé plusieurs fois son scepticisme quant au lien entre changement climatique et activités humaines, allant jusqu’à le taxer de "fausse information" et même de "plus grande arnaque de tous les temps".
Alice Hill, chercheuse au sein du groupe de réflexion Council on Foreign Relations, estime ainsi que "sous la présidence de Donald Trump, les Etats-Unis reculeront de façon quasi certaine par rapport aux efforts mondiaux et nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, en augmentant la production de combustibles fossiles". C’était du moins une promesse du candidat Trump qui entend baisser par ailleurs les dépenses en faveur des énergies renouvelables.
De l’avis des scientifiques, le slogan "America First” n’est pas compatible avec la coopération internationale que réclame la lutte contre le changement climatique. Or, les Etats-Unis sont actuellement le deuxième plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde après la Chine et le premier pollueur historique.
"Donald Trump et ses partisans estiment manifestement que le pétrole et le gaz sont essentiels à la puissance mondiale de l'Amérique et qu'il ne faut pas jouer avec cela", estime Clarence Edwards, directeur exécutif du bureau d'E3G à Washington, un groupe de réflexion à but non lucratif qui travaille à l'intersection du climat et de la géopolitique.
Plus de forages, moins de réglementation
Au cours de son premier mandat, l'administration Trump a encouragé l'augmentation des forages pour le pétrole et le gaz naturel, y compris dans des zones protégées comme la Réserve naturelle nationale de l'Arctique en Alaska. Il a aussi défendu la construction d'oléoducs comme Keystone XL et Dakota Access.
Durant la campagne de la présidentielle américaine, Donald Trump a indiqué qu’il poursuivrait sur cette voie s’il était élu.
Selon Clarence Edwards, cela ne signifie toutefois pas que les énergies renouvelables disparaîtront complètement des Etats-Unis, mais simplement que la nouvelle administration se concentrera davantage sur les hydrocarbures.
Et l'accord de Paris ?
Au cours de son premier mandat, le président élu a fait sortir les Etats-Unis de l'Accord de Paris. Cet engagement visait à maintenir l'augmentation de la température mondiale bien en-dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels.
Les Etats-Unis ont réintégré l'accord sous Joe Biden, mais Clarence Edwards pense que le futur président est susceptible de se retirer de nouveau.
"Ce serait un mauvais signal. Il est important que les Etats-Unis respectent les accords et soient un acteur qui s’engage à l’international ", analyse le chercheur qui ajoute qu’un nouveau retrait de l'accord de Paris soulèverait des questions sur d'autres engagements internationaux en matière de climat.
Les implications pour les politiques environnementales
Au cours de son premier mandat, Donald Trump a également annulé des dizaines de réglementations de l'Agence de protection de l'environnement (EPA), il a assoupli les restrictions sur les émissions de carbone des centrales électriques ainsi que des véhicules et il a affaibli les règles régissant certains polluants comme le méthane.
Barry Rabe, professeur de politique environnementale à l'université du Michigan, prédit un nouveau relâchement des règles environnementales.
"Il y a un certain nombre de choses que Donald Trump a dites au cours de cette campagne pour essayer de repousser les limites du pouvoir exécutif ou présidentiel au-delà des normes traditionnelles, comme la levée de fonds", déplore Barry Rabe.
Le chercheur craint qu’avec le retour à des réglementations plus laxistes, les Etats-Unis ne pourront pas atteindre leurs objectifs climatiques sur "le dioxyde de carbone, mais aussi pour le méthane et la plupart des autres gaz à effet de serre" d’ici à 2030.
Qu'adviendra-t-il de l'IRA ?
Joe Biden a fait adopter une loi historique sur la réduction de l'inflation (IRA). Ce texte sur le climat promulgué par le président sortant a consacré des centaines de milliards de dollars au déploiement des énergies renouvelables, la production de voitures électriques et la fabrication de batteries.
Il n’est toutefois pas certain que l’IRA soit menacée par le président Trump.
"Cette loi a connu un succès retentissant en stimulant la production d'énergie propre et la création d’emplois dans tout le pays, en particulier dans les Etats dits "rouges" [donc à majorité républicaine, ndlr], qui reçoivent environ 70% des investissements de la loi sur la réduction de l'inflation, et je pense donc qu'il y aura un effort pour peut-être ne pas abroger l'IRA dans son intégralité, mais pour la modifier par endroits", suppute Clarence Edwards.
Barry Rabe partage cette analyse : "En réalité, il faudrait une loi du Congrès pour abroger complètement l'IRA". Mais il nuance en ajoutant qu’ "il ne serait pas surprenant de voir un Donald Trump revenir dans le Bureau ovale en essayant de stopper ou de réduire les financement autorisés par le Congrès qu'il n'a pas appréciés."
Le "Projet 2025" de Donald Trump
Avant les élections, plusieurs organisations et des groupes de réflexion conservateurs ont élaboré un document controversé intitulé " Projet 2025". Il s’agit d’une série de propositions politiques et de recommandations stratégiques pour le deuxième mandat de Donald Trump.
Ce document encourage la poursuite du développement des combustibles fossiles dans l’industrie américaine, en préconisant une augmentation de la production de pétrole, de gaz naturel et de charbon, ainsi qu'une réduction des restrictions liées à l'extraction et à la construction de nouvelles infrastructures pour ces combustibles fossiles.
Certains experts estiment que si Donald Trump adopte les politiques énergétiques et environnementales préconisées dans ce document, les émissions du pays pourraient augmenter de quatre milliards de tonnes d'ici à 2030. Cela équivaudrait à une année entière de gaz à effet de serre rejetés dans l'atmosphère.
Il serait alors impossible pour les Etats-Unis d'atteindre leur objectif de réduction de moitié des émissions d'ici à 2030, ce qui, selon les scientifiques, est pourtant vital pour éviter un changement climatique désastreux.
Pas de catastrophisme
Cependant tout n’est pas perdu, souligne Alice Hill, qui estime que "l'intervention politique et réglementaire locale sera essentielle dans la lutte pour une planète plus saine - avec ou sans le soutien de l'administration Trump".
Clarence Edwards rappelle quant à lui la nécessité de coopérer, aussi avec les Etats-Unis, pour continuer de faire progresser la protection du climat.