Maman Sidikou est notre invité de la semaine. Le nouveau représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, ancien secrétaire exécutif du G5 Sahel, n’a pas caché qu’il existe toujours des différents entre l’Union africaine et le Conseil national de transition au Mali. Selon lui, il y a des préoccupations majeures concernant l’accélération du processus de transition. Avec la crainte que celui-ci aille au-delà du délai sur lequel l’Union africaine et les autorités maliennes se sont mises d’accord.
C'est Paul Lorgerie, l'un de nos correspondants à Bamako, qui a mené l'entretien mais pour des raisons techniques, les questions ont été ré-enregistrées telles quelles par Rémy Mallet.
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DW: Bonjour Monsieur Maman Sidikou, vous venez de prendre vos fonctions en tant que représentant de l'Union africaine pour le Mali et le Sahel. Comment percevez vous la situation politique au Mali?
La récente approbation par le CNT, le Conseil national de transition, le Parlement de transition, du plan d'action gouvernemental présenté par le nouveau Premier ministre Choguel Maïga est un signe encourageant après tous les soubresauts des derniers mois. Cela dit, il y a des préoccupations majeures qui demeurent quant à l'accélération de ce processus.
Le plan comporte de bonnes choses, mais on peut se poser la question de la durée de tout cela. La période sur laquelle on s'est mis d'accord, nous en discutons vraiment de façon ouverte. Il faut le reconnaître, il n'y a pas de langue de bois dans les échanges, ni avec le chef de la transition, Assimi Goïta, ni avec le Premier ministre Choguel Maïga, encore moins avec mon ami et frère, le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, et bien d'autres. Mais nous en discutons dans un esprit constructif. Nous nous entendons au niveau de l'UA jouer pleinement, de façon constructive et attentive, moi en tant que représentant l'Union africaine, je ne suis ici ni comme proconsul, ni comme essuie-pieds.
DW: Vous étiez auparavant le secrétaire général du G5 Sahel. Cette nomination à l'Union africaine est elle le signe que l'UA souhaite recentrer sa stratégie sur l'aspect sécuritaire?
La problématique sécuritaire fait partie des priorités de l'Union africaine avec sa manifestation la plus préoccupante, évidemment : les actes terroristes contre, surtout, des populations innocentes. Il ne s'agit donc pas de repositionnement, mais davantage d'une réaffirmation de la volonté de la pleine volonté de l'Union africaine de contribuer à trouver les solutions à cette crise multidimensionnelle.
L'année passée, l'Union africaine, en concertation avec la Cédéao qui est en charge de la sous-région, a décidé d'envoyer dans la région 3.000 soldats pour participer militairement aux efforts en vue d'enrayer la progression du terrorisme et la dégradation de la sécurité au Sahel. Maintenant, il reste l'opérationnalisation de cette décision. Elle est en cours. Nous allons œuvrer à son installation. Hier encore, nous en avons reparlé, mais il faut des concertations plus poussées.
DW: Et sous quel commandement va se trouver cette force de 3.000 hommes ?
Ce sont les décisions, les détails techniques qui sont en discussion et justement, l'UA, quand elle envoie des troupes quelque part, comme dans le cadre de l'Amisom que j'ai dirigée, ces troupes sont sous commandement de l'UA.
Maintenant, nous avons dans cet espace la force G5 Sahel, la force conjointe de 5.000 hommes et nous avons aussi des forces armées nationales. Il faudra discuter avec le G5 Sahel, la Cédéao pour voir les modalités pratiques de comment cela va se passer. Le G5 Sahel et la force conjointe, on en reparlera, j'en suis sûr, ça marche.
Maintenant, il faut voir comment dans son espace, elle accueillera, d'autres gens. Mais n'oubliez pas une chose, c'est que le mandat de la force conjointe du G5 Sahel est donné par le CPS, le Comité Paix et sécurité de l'Union africaine, et son mandat a été renouvelé. D'ailleurs j'étais à Addis Abeba les 6 ou le 7 juillet.
DW: Une force conjointe, Barkhane... beaucoup d'efforts politiques et pourtant, la situation ne s'arrange pas dans les pays du Sahel. Pourquoi, selon vous?
Vous l'avez dit, on ne peut pas régler ces questions là en quelques mois. Deuxièmement, je vous ai parlé de la question des moyens. A chaque fois on en parle, des moyens : les finances, les équipements, etc. Il en faut. Là on parle de cinq pays qui sont démunis, qui se sont mis ensemble et qui ont la force conjointe dans vingt-cinq opérations. Elle ne se balade pas et c'est la lutte contre le terrorisme, ce n'est pas une partie de plaisir.
En ce qui concerne la structuration des institutions comme celles que nous avons, la mise en commun de nos forces, la formation de nos forces dans la guerre contre le terrorisme et de façon spécialisée, etc. Mais voyez l'Afghanistan. Franchement, moi, j'y étais en 2001, en décembre 2001, pour ramener les filles à l'école.
Vingt ans après, quand je vois ce qui se passe à Jalalabad, à Herat, quand j'entends tous ces noms que je connais, des endroits où, avec l'Unicef, nous avons fait de la vaccination, on envoyait des équipes à dos d'âne pour ramener trois millions de filles à l'école. Qu'est-ce qu'elles vont devenir aujourd'hui?
Je veux dire qu'il faut prendre le temps de s'organiser, de travailler. Et il y a de l'impatience. C'est inévitable. Il s'agit quand même de morts, de gens innocents qui meurent et ne comprennent pas qu'il y ait autant de forces, pas seulement le G5 Sahel, ni ses forces armées nationales, qu'il y ait autant de forces ici, au Mali en particulier, et qu'on en soit encore là.