La Bande à Baader au cinéma
25 septembre 2008Berlin-Ouest, 2 juin 1967. Des jeunes manifestent contre la visite du Shah d'Iran. La police en tenue de combat leur fait face, ainsi que les sbires du pouvoir en place à Téhéran. C'est alors que la police charge sur les manifestants, jusque-là pacifiques. L'escalade de la violence commence. Un policier tue par balles un étudiant, Benno Ohnesorg. C'est le signal d'une révolte qui parcourt la République fédérale. Et que le film « Le Complexe Baader-Meinhof », qui sort aujourd'hui en salle en Allemagne, retrace dans toute sa brutalité. Pour certains, l'assassinat de Benno Ohnesorg représente le détonateur qui entraîne une plus grande radicalisation, la bascule dans la violence, le passage dans la clandestinité
" On a compris que parler sans agir ne servait à rien », déclare Gudrun Ensslin, fille de pasteur. « On va monter un groupe qui va vraiment changer les rapports politiques. ».
Au départ, Ulrike Meinhof, l'intellectuelle du groupe, journaliste connue, hésite. Mais Andreas Baader, le beau gosse, le bagarreur et le beau-parleur arrive à la convaincre. Ce sont les membres fondateurs de la RAF, la Fraction Armée rouge, plus connue à l'étranger sous le nom de « Bande à Baader ». Au début, leurs actions se concentrent sur la dénonciation de la guerre du Vietnam et sur la critique du matérialisme béat qui s'est emparé de l'Allemagne de l'après-guerre. Bernd Eichinger, producteur:
« Tant qu'ils jouaient un peu au gendarme et au voleur, ils exerçaient une certaine fascination. Mais il y a eu très vite une césure. Elle se ressent dans le film. »
Et la césure, c'est lorsque la Fraction Armée Rouge ne se contente plus de faire sauter les grands magasins ou les représentations américaines, la nuit, ou de braquer les banques. Mais lorsqu'elle enlève et assassine des êtres humains
Le film « Le Complexe Baader-Meinhof » se fonde sur le livre éponyme écrit il y a une vingtaine d'années par Stefan Aust, ancien rédacteur en chef du magazine d'investigation Der Spiegel. Pour Stefan Aust, un film réussi qui retrace bien la radicalisation d'individus que le journaliste a en partie bien connus à l'époque et qu'il a vu, effaré, basculer dans la violence:
« J'ai eu l'impression que le film reflétait bien cette explosion de sentiments contradictoires que nous avons ressentie à l'époque. »
Car, d'un côté, Stefan Aust et nombreux de ses compagnons partagent au début certaines idées de la Bande à Baader - la critique de l'impérialisme américain, du manque de démocratie, de la guerre du Vietnam. Mais très vite, les jeunes en colère ne sont plus solidaires de la terreur à coups d'assassinats et d'attentats à la bombe. Le producteur Bernd Eichinger et le réalisateur Uli Edel voulaient démystifier une bonne fois pour toute Baader et ses compagnons, que la plupart des experts considèrent aujourd'hui comme des individus violents dénués de véritable concept politique. Mais pour certains, comme pour le journal Tagesspiegel, c'est raté. Car il y a un manque affligeant d'interprétation des faits, d'analyse en profondeur des causes du terrorisme. Vers la fin du film, alors que Andreas Baader, Ulrike Meinhof, Gudrun Ensslin sont en prison, sous haute sécurité à la prison de Stammheim, Horst Herold, le chef de la police fédérale criminelle, est plus ou moins le seul à tenter d'expliquer :
« Il ne me semble pas utile à long terme explique-t-il, de taper sur les gens, ou de faire disparaître certaines personnes. Ce n'est pas la police qui doit changer notre société mais ce sont les forces politiques qui doivent faire bouger les choses. C'est en tous cas mon opinion. »
Le spectateur reste un peu sur sa faim sur les véritables motivations de la Fraction Armée Rouge. Le film retrace très bien en revanche l'infinie brutalité avec la quelle opérait le mouvement terroriste, et l'horreur de l'emprisonnement de ses membres à la prison de Stammheim. Là aussi, tout se termine dans un bain de sang, avec l'enlèvement, puis l'assassinat de Hanns Martin Schleyer, le patron des patrons allemands. Et le détournement sur Mogadiscio d'un avion de la Lufthansa, avec à son bord une centaine de passagers pris en otage. Stefan Aust:
« Je crois qu'un film - ou un livre - de ce genre peut très bien retracer une époque, la rendre perceptible auprès du public. Mais c'est tout. »
Et c'est sans doute assez, diront certains. « Le Complexe Baader-Meinhof », un film de Uli Edel, avec un excellent Moritz Bleibtreu dans le rôle d'Andreas Baader, représente l'Allemagne dans la course aux oscars.