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Criminalité

Le Golfe de Guinée, épicentre de la piraterie mondiale

Henri Fotso
22 août 2019

La piraterie prend de l’ampleur dans le Golfe de Guinée. Les ravisseurs des 17 marins ukrainiens, russes et philippins kidnappés le 15 août à bord de deux navires au large de Douala, ont pris contact avec l'armateur.

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Image : Ocean Marine Security Consultant

Sept attaques de pirateries ont été recensées depuis le début de l’année au large du Cameroun, dont cinq de réussis pour les pirates. Les cas les plus spectaculaires se sont déroulés le 15 août. Des opérations criminelles bien planifiées, selon Sylvie Boyde, l’aumônier pour la Mission allemande aux marins, au Port de Douala :

"Ce qui est choquant, c’est que c’était deux navires en même temps qui étaient côte à côte à l’ancre. Ils ont enlevé huit marins sur un navire et sur l’autre navire neuf marins. Ils ont même ouvert le feu." 

Somalia Piraten
Image : picture alliance/AP Photo/F. Abdi Warsameh

Ces crimes en mer s’étendent dans tout le Golfe de Guinée, la zone maritime la plus dangereuse au monde. 201 actes de pirateries ont été recensés en 2018 dans le monde, contre 180 en 2017, et 78 attaques au premier semestre 2019, dont une grande majorité dans le golfe de Guinée, selon le Bureau maritime international. 

Les armateurs du Golfe de Guinée s’arment de beaucoup de courage, indique Sylvie Boyde : "Ce que l’armateur fait après une attaque, c’est en fait changer tout l’équipage, les rapatrier quand ils sont libérés et mettre d'autres marins. Laisser les gens se reposer et retrouver leurs forces et le courage de revenir à bord. J’ai eu ainsi au début de la semaine passée la chance de parler au capitaine qui a été enlevé par des pirates nigérians, en avril, et qui est revenu à bord sur le même navire", explique l’aumônier pour la Mission allemande aux marins, au Port de Douala. 

De nombreux armateurs redoutent de plus en plus le Golfe de Guinée à cause de l’insécurité maritime. Un capitaine ukrainien révèle qu’il n’accostera ainsi plus à Douala mais seulement en Angola. 

La piraterie dans le Golfe de Guinée semble être le prolongement du terrorisme international, selon Yves Ekoue Amaizo, le directeur du think-tank Afrocentricity :

Somalischer Pirat Somalia
Image : picture alliance/AP Photo/F.Abdi Warsameh

"Est-ce que ce sont seulement des pirates qui proviennent d'en dehors de l’Afrique ? Non, il est fort probable que beaucoup de ces pirates soient d’abord des Africains. Pas nécessairement travaillant pour eux-mêmes, peut-être pour d’autres groupes. On pense à Al-Qaïda. Mais est-ce que ce ne sont pas aussi des anciens officiers sortis de l’armée tout simplement pour faire du business ? Et ça c'est un autre problème de fond car s'il y a trop d'attaques, les bateaux ne vont plus vers le port de destination. C’est le cas par exemple entre le Nigeria et le port en eau profonde du Togo." 

Yves Ekoue estime ainsi que les Etats du Golfe de Guinée n’ont jusqu’ici pas donné la priorité à la sécurité maritime :

"Il me semble que l’essentiel des budgets des gouvernements africains vont vers la sécurité nationale du territoire, donc du sol, et moins vers une sécurité maritime ou aérienne. Et à partir de là, vous avez plus de 80% des budgets qui vont vers le sol. Il y a tout simplement un manque de prise de conscience que l’essentiel des échanges en Afrique arrive par la mer. Donc, en ne faisant pas cet effort, les Etats africains ont créé un espace non sécurisé." 

Aux dernières nouvelles, les 17 marins (trois Russes, neuf Ukrainiens et neuf Philipins) enlevés au large de Douala le 15 août seraient vivants, mais toujours en captivité une semaine plus tard, d'après les informations de l’armateur allemand MarConsult Schiffahrt, propriétaire d'un des deux bateaux attaqués. Le bateau de l'armateur allemand a quitté les eaux camerounaises mardi soir, 20 août, tandis que le second bateau, affrété par un armateur grec, reste au port de Douala pour besoin d'enquête.

 

Un des deux bateaux attaqués par les pirates dans le golfe de Guinée, jeudi dernier,  reste bloqué dans le port de Douala pour les besoins de l’enquête. L'ampleur de la piraterie maritime fait de plus en plus peur aux armateurs dont les navires doivent croiser dans le golfe de Guinée, désormais réputé être la zone maritime la plus dangereuse au monde. En conséquence, certaines compagnies  ont décidé de ne plus accoster dans des ports comme celui de Douala au Cameroun. L’Aumônier de la mission allemande aux marins, Madame Silvie Boyd. Cliquez sur l'audio ci-dessous pour écouter. 

 

 

"Certaines compagnies ont décidé de ne plus accoster dans des ports comme celui de Douala au Cameroun."

 

Vue arienne sur un carrefour de Douala la nuit
Henri Fotso Correspondant au Cameroun pour le programme francophone de la Deutsche Welledwfrancais