Le maigre bilan économique de Paul Biya, 42 ans au pouvoir
5 novembre 2024Le Cameroun est doté de richesses naturelles diversifiées telles que du pétrole, du gaz naturel, un peu d’aluminium et d’or, du bois précieux, du café, du cacao, ou encore du coton.
La Banque africaine de développement précise que le taux de croissance économique du Cameroun est légèrement en hausse, à 3,8% en 2023, "grâce aux bons résultats de secteurs tels que la sylviculture, l’exploitation forestière et le dynamisme du secteur des services".
Malgré la richesse de son sous-sol ou de son agriculture, 23 % de la population camerounaise vit en dessous du seuil de pauvreté, avec seulement 2,15 dollars par jour.
Pour l’économiste Stéphane Akoa, il ne suffit pas d’avoir les ressources. Il faut savoir bien les exploiter pour en tirer profit sur le marché des matières premières.
"Si on a des ressources que l’on brade, si on a des ressources dans son sol ou son sous-sol que l’on vend à vil prix, il est compliqué dans ce cas-là d’assurer à chaque Camerounais un revenu décent, d’autant plus que dans les industries extractives, il y a bien souvent une main d'œuvre corvéable à souhait. Ce ne sont pas les rétributions que l’on concède aux mineurs qui vont permettre d’assurer un revenu au-dessus des minima internationaux," souligne l’expert.
Cela va faire42 ans que Paul Biya dirige le Cameroun, mais la situation des Camerounais était-elle meilleure il y a quatre décennies ?
L’économiste Louis-Marie Kakdeu précise que le pays n’a pas toujours été en situation de dépendance. Pour appuyer son propos, il s'appuie sur l’autosuffisance alimentaire. Aujourd’hui, le pays est totalement dépendant, mais cela n’a pas toujours été le cas.
"L'année où Paul Biya est arrivé au pouvoir, le taux de croissance était à deux chiffres et aujourd’hui, le pays est complètement sous dépendance et le taux de croissance atteint difficilement 3% à 4%. Il faut dire que dans les années 1980, l’économie camerounaise était normale. Aujourd’hui, en 2024, l’économie camerounaise est entièrement extravertie, ce qui permet de présenter cette situation où le pouvoir d’achat est extrêmement bas pour un pays du niveau du Cameroun."
La lutte contre la corruption reste inefficace
Parmi les causes qui ralentissent le développement et la croissance du pays, il y a la corruption. En 2023, l’ONG Transparency International classait le pays à la 140e place sur 180 pays.
La Commission nationale anticorruption estime, dans un rapport sur l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun, que l'Etat a subi, en 2023, un préjudice financier de 114 milliards de francs CFA, l’équivalent d’un peu plus de deux millions d’euros.
Mais pour Stephane Akoa, il y a certes eu la mise en place d’institutions dédiées à lalutte contre la corruption, mais ces outils restent trop faibles :
"Ce que proposent ces institutions, essentiellement contenu dans des rapports, ne présente aucun caractère obligatoire ou contraignant pour l’autorité qui les reçoit et qui pourrait engager une véritable politique de lutte contre la corruption, à tous les niveaux de la société camerounaise."
Coopération sino-camerounaise
En 2021, le Cameroun et la Chine ont célébré le 50e anniversaire de leur partenariat. Aujourd’hui, la Chine est le premier partenaire économique et commercial du Cameroun, mais aussi son premier créancier. Un quart de la dette du Cameroun est détenu par la Chine.
Louis Marie Kakdeu souligne par ailleurs qu’avec la France, il était question d’une coopération technique et culturelle. Mais avec la Chine, il est plus question d’une diplomatie basée sur la promotion des infrastructures et les conditions démocratiques sont inexistantes :
"En fait, aujourd’hui, les portes ont été entièrement ouvertes à la Chine et la démarche pour beaucoup d’Africains semble être gagnant-gagnant. On verra comment tout cela se structure. Malgré le fait que le taux d’endettement évolue à une vitesse exponentielle, les Africains pensent que les conditionnalités sont moins humiliantes et que c’est beaucoup plus acceptable que ce qu’on avait avec l’occident."
La Chine a par ailleurs financé la construction du port en eau profonde de Kribi, inauguré en 2016 et situé près des gisements miniers du pays, qui permet de désengorger le port de Douala.