Le terrorisme, la plaie du Sahel
11 septembre 2012Nabil Makloufi était chargé depuis trois ans d’aplanir les rivalités entre différentes branches d’Aqmi dans la région. Il avait été nommé par le grand chef d’Aqmi, Abdelmalek Droukdel, pour faire taire les dissensions entre deux leaders du mouvement islamiste. Par ailleurs, il coordonnait la gestion du stock d’armement d’Aqmi et servait d’intermédiaire dans les négociations des unités combattantes pour la libération des otages. Mais son décès ne devrait pas conduire à l’atomisation du mouvement, étant donné la grande capacité d’adaptation d’Aqmi, et sa structure flexible.
Otages, armes, drogues
Aqmi, ce sont sept phalanges, avec à leur tête sept chefs locaux. Abdelmalek Droukdel contrôle toujours le réseau, depuis le nord-est algérien. Les membres du mouvement sous ses ordres sont pour certains issus du GIA, le Groupe islamique armé algérien, et de l’ancien Groupe salafiste pour la prédication et le combat, mais ce sont avant tout des malfrats de différentes nationalités, très au courant des trafics transfrontaliers dans cette région difficile à contrôler. C’est ce qu’explique le Professeur Mohammed Benhammou, Président de la Fédération africaine des Etudes stratégiques :
« Ce sont aujourd’hui des contrebandiers qui contrôlent une grande partie d’un grand business dans cette zone, certaines routes, certains territoires, que ce soit la drogue, ou les armes, ou l’émigration clandestine. Mais ils ne sont pas prêts – et ils ne le feront pas – à abandonner la dimension politique de leur projet, c’est leur fond de commerce. »
Adhésion faute de mieux
Ces trafics sont lucratifs, et les gains qu’ils rapportent à Aqmi se comptent en centaines de millions de dollars. Le financement du réseau n’est donc pas un problème. Côté idéologique, Aqmi prône l’instauration d’une charia en contradiction avec les traditions d’islam modéré du Nord Mali, mais l’argent, la terreur, et le désarroi des populations permet au réseau de continuer à recruter des soutiens. Mohammed Benhammou.
« Suite à la démission de l’Etat, à l’absence de l’Etat pendant toutes ces années, ces groupes terroristes sont venus se substituer à l’Etat. »
Changer les termes de la lutte
Pour lutter plus efficacement contre le réseau et ses exactions, le professeur Benhammou ne pense donc pas que l’envoi de troupes soit la meilleure solution : les soldats de la CEDEAO se trouveront embarqués selon lui dans une guerre asymétrique, face à des combattants connaisseurs de la zone et équipés. Il rejoint bon nombre d’experts qui préconisent la négociation avec d’autres groupes comme le MNLA, et surtout l’apport de solutions sociales, économiques et politiques aux problèmes persistants des populations. Condition sine qua non à leur possibilité d’émancipation du joug islamiste.
Pour davantage d'informations, écoutez ci-dessous l'interview avec le Professeur Mohammed Benhammou. Il explique en quoi, à son avis, une intervention militaire de la Cedeao est vouée à l'échec.