Le Togo, le mauvais élève en matière de démocratie?
14 septembre 2017La limitation des mandats présidentiels et le mode de scrutin font partie intégrante de la Charte africaine de la démocratie, des élections et la gouvernance de la Cédéao, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, dont Faure Gnassingbé, l’actuel numéro un Togolais, en est le président en exercice depuis juin 2017. Rappelons que lors d’un sommet de la Cédéao tenu à Accra en ami 2015, le Togo et la Gambie avaient rejeté la proposition d'une limite au nombre de mandats présidentiels à l'échelle régionale, lors d'un sommet commun à Accra en mai 2015. Aussi, après des alternances pacifiques obtenues à plusieurs reprises comme au Bénin ou au Ghana, la révolution populaire au Burkina Faso, Lomé et Banjul étaient ainsi perçus comme étant les "mauvais élèves" d'une région souvent citée en exemple sur un continent où nombre de dirigeants s'accrochent au pouvoir. En décembre 2016, le sort de Yahya Jammeh fut scellé, après une intervention militaire de la Cédéao pour chasser celui qui dirigeait la Gambie d'une main de fer depuis 22 ans et refusait de reconnaître sa défaite à la présidentielle.
Pourquoi le Togo déroge t-il à ces principes cardinaux ? Eléments d’analyse avec Victor Prudent Topanou, professeur de droit à l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin :
"Et là, on peut faire appel évidemment à la nature particulièrement féroce du régime dictatorial de feu Eyadema qui a donné en héritage à son fils, un régime qui lui permis d'avoir une armée quasi-clanique, ou presque 99% des officiers sont de la même ethnie, de la même région. Les espaces de revendications démocratiques sont très réduits. L'histoire politique du Togo est une histoire de conquête progressive de plus d'espace démocratique, de liberté, etc.“
Nécessité de réformes constitutionnelles
Dans un communiqué, le président de la Commission de la Cédéao, le béninois Marcel Alain de Souza, a invité les protagonistes à opérer les réformes constitutionnelles instaurant un maximum de deux mandats présidentiels. Le régime va-t-il céder ? A en croire Comi Toulabor, directeur de recherche au LAM (Les Afriques dans le Monde) à Sciences Pô Bordeaux
"Le régime des Gnassingbé depuis l'accident de Sarakawa, (accident aérien survenu le 24 janvier 1974 dans le nord du Togo dont le président Gnassingbé Eyadéma sortit indemne alors que trois de ses généraux y perdirent la vie), s'est structuré comme un régime dynastique, comme un régime messianique avec la France qui est derrière, qui soutien le régime. Vous avez toutes les raisons possibles pour que ce régime ne puisse pas bouger d'une ligne. S'il n'y a pas un rapport de force lourd, le régime ne bougera pas."
Après les pressions exercées par l’opposition, le pouvoir togolais a finalement accepté le principe de réformes constitutionnelles, en incluant la limitation du nombre de mandats, à la seule condition qu’elle ne soit pas rétroactive. Ce que rejette l’opposition.
Faure Gnassingbé a succédé à son père décédé le 5 février 2005 après 38 ans d’un règne sans partage. Il s’est fait réélire à deux reprises en 2010 et 2015, à l’issue de scrutins contestés par ses adversaires de l’opposition.
En dépit des progrès économiques enregistrés, plusieurs organisations des droits de l'Homme continuent à dénoncer des cas de tortures, d'arrestations arbitraires, de musellement de la presse et de l'opposition. Mais contrairement à son ancien homologue gambien, Faure Gnassingbé, actuel président en exercice de la Cédéao, "n'est pas isolé" et jouit du soutien de ses pairs, estiment des experts. Même si deux anciens chefs d’Etat ont clairement pris position en affichant leur soutien à la population togolaise.