Des messages de haine contre les Peuls au Burkina Faso
19 août 2022Les messages sur les réseaux sociaux appelant à la haine et au meurtre contre la communauté peule au Burkina Faso ont débuté en 2019. Cette année-là, les violences interethniques avaient causé la mort de 56 personnes, selon le bilan officiel.
Ces appels à la violence incitant à tuer des Peuls, faits souvent sous forme d'enregistrements audios, se poursuivent et sont destinés aux populations autochtones dans le sud-ouest du pays, frontalier de la Côte d'Ivoire.
Référence au génocide rwandais
Le gouvernement du Burkina Fasoa réagi en rappelant que "ce sont des propos d’une extrême gravité qui n’ont d’équivalence que les dérives de la radio Mille collines qui ont conduit au génocide rwandais [en 1994], une des pires tragédies de l’humanité et de laquelle nous devons savoir tirer des leçons."
Durant l'hiver et une partie de l'été de 1994, au Rwanda, la Radiotélévision Libre des Mille Collines (RTLM) a ouvertement diffusé des messages appelant les Hutu à tuer les Tutsi, mais aussi les Hutu qui n'adhéraient pas à l'idéologie dugénocidede l'époque.
Appels aux actions concrètes
Daouda Diallo, secrétaire général du Collectif contre l'impunité et la stigmatisation des communautés, salue la réaction du gouvernement. Mais il demande que cela soit suivi par des actions concrètes :
"Il faut que les dossiers des crimes emblématiques qui ont été commis en rasant les villages peuls, en tuant en masse sur fond d'impunité, soient évacués, pour montrer que tous les Burkinabè sont égaux devant la loi et que tout Burkinabè qui commet des tueries doit être jugé."
Serge Oulon, journaliste et auteur du livre "L'ethnie au Burkina Faso, amalgames et dérives", réitère que "cela va vite sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook et Whatsapp".
"Je crois que c'est ce qui explique l'ampleur et la prolifération, du fait que ça va vite. Et effectivement au Burkina Faso, c'est allé tellement vite que chaque personne l'a reçu dans son téléphone", poursuit Serge.
Si certains membres de la communauté peule ont été vus aux côtés des terroristes, le cercle politique burkinabè estime que la population devrait être aidée à mieux distinguer entre des actions collectives d'une communauté et celles des individus.
Dans plusieurs cas, des villages entiers où vivaient des Peuls ont été rasés suite aux informations affirmant la participation aux actes terroristes de certains membres de la communauté peule
"Le risque est réel, dès lors que des personnes appellent clairement à l'épuration sur des bases identitaires, on ne peut pas se cacher et dire que le risque n'existe pas", martèle Guy Hervé Kam, coordinateur du mouvement politique SENS, Servir Et Non se Servir
Il pense à cet effet qu'"il faut un sursaut collectif et individuel pour que les uns et les autres comprennent que le problème est lié à des individus, à des personnes et non pas aux communautés"
Les organisations de la société civile burkinabè estiment qu’il est primordial que le gouvernement puisse engager un dialogue intercommunautaire. Selon elles, cela aiderait à résoudre les conflits interethniques, fonciers notamment, qui ont déjà créé une profonde division au sein de la population.