Liberté de la presse : la promesse de Peter Limbourg
3 mai 2018Le 3 mai est le jour de la liberté de la presse. Je suis heureux qu'une telle journée existe, pour, qu'au moins une fois par an, ce droit de l'homme fondamental soit rappelé solennellement. La liberté de la presse est souvent un vœu pieux, dont le monde se soucie peu les 364 autres jours de l'année. Quelques exemples :
Quand les intérêts économiques poussent au silence face au despostime
Les politiques démocrates européens se surpassent jour après jour pour courtiser la Chine. Là-bas, la liberté de la presse n'existe pas. Les émissions libres et indépendantes de la Deutsche Welle et d'autres médias étrangers sont bloquées. Des constats qui ne valent presque pas plus qu'une note de bas de page.
Le constat est le même pour les entreprises : on pense d'abord aux affaires plutôt qu'aux droits de l'homme. On se soumet aux caprices et aux revendications du pouvoir. En Chine, personne n'ira protester contre les dispositions imposées aux investisseurs étrangers. On ne trouvera aucune critique sur cette situation dans les médias.
Etonnement aussi, un nombre très importants de politiques allemands et européens plaident pour une meilleure compréhension du président russe Vladimir Poutine. Ils demandent à ce que ses craintes vis-à-vis de l'OTAN et de l'Union européenne soient enfin prises au sérieux.
Les craintes des journalistes sur place, les intimidations, agressions et parfois meurtres dont ils sont victimes dérangent et sont finalement passés sous silence. Fort heureusement, le nouveau ministre des Affaires étrangères allemand Heiko Mass soutient une autre position.
L'Iran bloque également les ondes de la DW et d'autres diffuseurs étrangers. Il harcèle systématiquement les professionnels de ces médias. On ne parle pratiquement plus des 23 journalistes retenus dans les prisons des Gardiens de la révolution. Des politiques rêvent même de rapprochement avec ce régime qui veut détruire Israël, qui déstabilise tout le Moyen-Orient et exporte la terreur.
Pression, violence et attaques ciblées contre les journalistes
Des soldats allemands sont en Afghanistan depuis plus de 15 ans pour stabiliser le pays et permettre le développement, la paix et la liberté. Pourtant, lundi, dix journalistes sont morts. Ils avaient délibérément été pris pour cible par les terroristes.
Le prince héritier saoudien a été applaudi après avoir autorisé les femmes à conduire librement et après avoir ouvert des salles de cinéma. Au même moment le blogueur Raif Badawi est toujours en prison parce qu'il a simplement usé de son droit à la liberté d'expression.
Les autocrates africains demandent et reçoivent des aides au développement mais exercent dans le même temps une pression sur les jeunes journalistes dynamiques -ces jeunes qui tentent au mieux, notamment au sein de médias privés, d'exercer leur métier sérieusement - et les privent d'air pour respirer.
Au Bangladesh et au Pakistan, les blogueurs risquent leur vie parce qu'ils témoignent de l'islamisme grandissant de leur société. Le soutien de l'étranger est malheureusement, malgré les efforts de nombreux diplomates, une denrée rare.
Le Mexique est pays partenaire de la Foire d'Hanovre en 2018. Dans aucun autre pays du monde, exercer une activité de journaliste n'est aussi dangereux, parce que l'Etat ne contrôle pas les cartels de la drogue. Onze journalistes ont été tués l'an dernier (il n'y a qu'en Syrie où, davantage encore, de journalistes ont été tués l'an dernier). Les gouvernements occidentaux devraient reconnaître leur responsabilité parce qu'après tout, la plupart des consommateurs sont dans leurs pays.
Malheureusement cette liste pourrait s'allonger. Encore et encore. On en viendrait très vite à la Turquie, membre de l'OTAN, et à la Pologne et la Hongrie, membres de l'Union européenne. Une triste liste. Elle nécessite plus que des promesses lancées lors de journées spéciales qui reviennent chaque année.
Que font nos dirigeants ?
Nous devrions juger nos gouvernements et nos politiques également en fonction de ce qu'ils font pour lutter contre les attaques visant la liberté de la presse. Montrent-ils clairement aux dictateurs ce que sont nos valeurs ? Sont-ils prêts à renoncer à certains accords économiques quand ces valeurs sont attaquées ? À conditionner l'aide au développement aux progrès en matière de droits de l'homme et de liberté de la presse ?
La démocratie est menacée dans le monde entier par des dictateurs, des autocrates et des populistes. Elle ne pourra survivre que si les démocrates la défendent fermement.
En ce 3 mai 2018, la Deutsche Welle célèbre son anniversaire. Nous informons dans le monde entier depuis 65 ans avec un journalisme libre et indépendant. Nous continuerons à batailler pour la liberté de la presse. Nous démontrerons son importance. Je vous le promets !