Interrogations sur l’engagement allemand au Mali
28 juin 2021L’Allemagne pourrait être plus critique envers les militaires putschistes au pouvoir. Mais pour l’instant, les conséquences à court terme restent peu claires.
C’est la première fois, depuis le déploiement des casques bleus de la Minusma que des soldats allemands sont la cible d’une attaque djihadiste. Même s’il est difficile d’affirmer que l’explosion suicide a ciblé les militaires allemands, Markus Kaim, chercheur à la SWP, la Fondation allemande des sciences et de la politique, se dit inquiet face à la récurrence de ces attaques.
C’est pourquoi il plaide pour une plus grande implication des forces armées maliennes dans la sécurisation du nord du pays. Mais pour lui, le gouvernement actuel est rongé par la corruption et ne remplit plus son rôle.
Markus Kaim est aussi critique vis-à-vis de l'EUTM, la mission européenne de formation de l’armée malienne. Il répondait à nos confrères de Deutschlandfunk:
"Comme souvent, cette attaque nous montre qu'il faut que ces missions s'appuient aussi sur un partenaire sur place - le gouvernement malien en l'occurrence. L'objectif suprême de la mission est que les autorités maliennes soient en mesure d'assurer elles-mêmes la sécurité. Un peu comme en Afghanistan. Mais ce gouvernement malien est miné par la corruption et il est considéré par beaucoup comme illégitime. Il ne remplit plus ses devoirs et il faut reconnaître qu'on s'est arrangé avec cet équilibre précaire d'instabilité relative et d'aide internationale. La communauté internationale qui intervient sur place - l'Onu dans le cas présent - n'a pas assez de moyens de pression pour induire de véritables changements dans le pays. Et cela est presque encore plus criant pour la seconde mission dans laquelle est impliquée l'Allemagne : celle qui est censée entraîner les forces de sécurité malienne. Pendant des années, on a formé près de 30.000 soldats maliens mais cette mission n'a rien apporté."
L'Allemagne peu visible ?
L’Allemagne est en effet très impliquée dans la formation des soldats maliens, pourtant Fodié Tandjigora, chef du département socio-anthropologie de la Faculté des sciences humaines et des sciences de l'éducation de Bamako, juge que sa présence pèse peu dans le pays.
"L’apport n’est pas visible. Seuls quelques chercheurs et d’autres ONG qui s’intéressent à la question sécuritaire savent un peu le degré d’implication en matière de formation. Donc j’ai vraiment le sentiment qu’il y a une sorte d’ombre autour de l’effort que l’Allemagne fournit pour la formation et aussi l’intervention dans certaines opérations pour le Mali."
Les députés du Bundestag, à l'exception du parti des Verts, ont validé le 19 mai dernier la prolongation du mandat des soldats allemands de l’EUTM. Le nombre de ses instructeurs militaires devrait ainsi passer de 450 à 600.