Mali : le droit des femmes mis à l'épreuve par les religieux
12 janvier 2021Bouyé Haïdara reproche à Bintou Founé Samaké d’avoir tenté de réintroduire l’avant-projet de loi sur le genre qui avait fait l’objet de vives contestations de la part des principaux leaders religieux du pays en 2009. Une demande de démission renouvelée lors de son sermon de la prière de vendredi dernier (08.01) au cours duquel il n’a pas non plus épargné les autorités de la transition.
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Cette sortie de Bouyé Haïdara intervient une semaine après l’abandon par le gouvernement de Moctar Ouane de l'avant-projet de loi sur le genre, l'âge du mariage et l'héritage de la jeune fille.
Bintou Founé Samaké s’était ainsi rendue au siège du Haut conseil islamique du Mali le 31 décembre dernier pour annoncer la nouvelle aux leaders religieux. Mais pour le chérif de Nioro, la ligne rouge avait déjà été franchie.
"Nous soutenons la transition"
Aboubacar Yacoub Doucouré est le président de la plateforme des jeunes musulmans et patriotes du Mali :
"Aujourd’hui le chérif de Nioro est le seul qui mène le combat sur le terrain pour la suppression pure et simple de l’avant-projet de loi sur le genre. Mais il peut compter sur l’accompagnement des jeunes musulmans du Mali. Nous allons pacifiquement, sans violences, dans les règles de la démocratie, mener ce combat jusqu’au bout. Ce n’est pas de l’animosité à l’égard de la ministre de la Promotion de la femme, mais nous exigeons sa démission pour que cela serve de leçon pour les futures générations. Autrement, le chérif soutient la transition, nous aussi nous soutenons la transition."
Pour Nana Touré, militante pour les droits des femmes, l’avant-projet de loi sur le genre est en conformité avec les principes de l’islam. Celle-ci regrette par conséquent la posture qu’adopte le chérif de Nioro.
"Il nous a été rapporté que le prophète de l’islam n’a jamais violenté une de ses épouses ou ses épouses. Cela voudrait dire que le Coran ne le permet pas. Le Coran qui est la référence pour les musulmans. Un marabout n’a pas le droit de demander la démission d’un ministre en fonction. Malheureusement au Mali, l’espace public et politique sont envahis par des religieux. De mon point de vue, cela est très dangereux pour la démocratie et l’Etat de droit."
Conflit d'intérêts
Selon un interlocuteur préférant garder l’anonymat, le chérif de Nioro serait frustré de n'avoir rien obtenu lors de la formation des différentes composantes de l'organe transitoire et le fait de demander la tête de la ministre de la Promotion de la femme serait une "façon déguisée" de mettre la pression sur les autorités de transition.
Contacté par la DW, WILDAF/Mali, le réseau d’association et d’ONG de promotion et de protection des droits des femmes au Mali, qui est l’organisation de base de l’actuelle ministre de la Promotion de la femme, se refuse pour l’instant à tout commentaire.