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Ould Salek: "Il faut que le Maroc respecte ses engagements"

Hugo Flotat-Talon16 juin 2021

C'est ce que réclame Mohamed Salem Ould Salek, ministre des Affaires étrangères du Front Polisario au sujet du Sahara occidental. Dernière région considérée comme non autonome par l'Onu sur le continent.

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Le Maroc et le Front Polisario se disputent la souveraineté du territoire de 266.000 km2 qui borde la côte Atlantique au nord de la Mauritanie. Et cela depuis près de 50 ans. Un conflit dont on a reparlé tout récemment...

Pour signifier à Madrid son opposition à ce que le chef du Front Polisario soit soigné en Espagne contre la Covid-19, le Maroc a laissé passer des milliers de personnes demandeuses d'asile vers l'Espagne.

Mohamed Salem Ould Salek, est ministre des Affaires étrangères de la République arabe sahraouie démocratique du Front Polisario. Il revient sur ces derniers développements.

DW : Mohamed Salem Ould Salek, bonjour... Première question, comment va Brahim Ghali, le chef du Front Polisario, hospitalisé plusieurs semaines en Espagne et revenu en Algérie début juin ? 

Mohamed Salem Ould Salek : Il va mieux, il se rétablit. La Covid-19 était très forte, mais il récupère bien. Il est en convalescence en Algérie.

DW : Son départ vers l’Espagne pour être soigné a provoqué une crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne, et l’arrivée de milliers de personnes migrantes en Espagne. En novembre vous parliez de « rupture » du cessez-le feu avec le Maroc quant au territoire du Sahara occidental. Des milliers de réfugiés vivent toujours dans des conditions très précaires en plein désert près de Tindouf en Algérie. Est-ce qu’il n’est pas temps de retourner aux négociations ? 

Internationaler Protest I Free Sahara
Image : Capdepon Arroyo/Pacific Press/picture alliance

Mais la négociation, nous ne disons pas non. Mais le Maroc a tout bloqué. Nous avons négocié, nous sommes arrivés à un accord. Mais l'attitude du Maroc est de violer toutes les décisions des organisations internationales et surtout qui renie ses propres engagements... Le Maroc doit comprendre que la communauté internationale ne peut pas suivre tout le temps. Et le peuple sahraoui ne peut pas se croiser les bras devant une attitude d'intransigeance et de refus qui constitue une politique systématique du Maroc.

DW : Et l’autonomie « sous contrôle » présentée par le Maroc, c’est non toujours ? Est-ce que cela ne serait pas une alternative acceptable par tous après des années de guerre et d’attente pour vous ? 

Mohamed Salem Ould Salek : C'est comme si les Français proposent à l'Allemagne d'être autonome en Allemagne.

DW : C'est non donc. Mais alors quelle serait votre solution idéale aujourd'hui ? Tout est bloqué... 

Mohamed Salem Ould Salek : Nous proposons ce que l'Union européenne propose. Il faut que le Maroc respecte ses frontières. Il faut que le Maroc respecte les dispositions de l'acte constitutif de l'Union africaine qui lui interdit d'annexer par la force les territoires d'autrui. Il faut que le Maroc respecte la Charte des Nations unies. Il faut que le Maroc respecte l'engagement qu'il a signé avec nous.

DW : C'est donc le référendum et rien d'autre ? 

Le roi du Maroc se fait fort de rappeler que "le Sahara demeurera dans son Maroc jusqu’à la fin des temps".
Le roi du Maroc se fait fort de rappeler que "le Sahara demeurera dans son Maroc jusqu’à la fin des temps".

Mohamed Salem Ould Salek : Je le confirme au nom de la République sahraouie : le peuple sahraoui, le Front Polisario, le gouvernement de la République sahraouie acceptent d'aller au référendum. Mais un référendum d'autodétermination pour le peuple du Sahara occidental et seul le peuple du Sahara occidental. Les options qu'offre le référendum, c'est quoi ? L'indépendance, l'intégration et l'autonomie. Le Maroc a peur du vote. Il a peur des résultats des urnes. Il faut que le Maroc cesse. Si les Sahraouis veulent être Marocains, nous acceptons cela parce que nous l'avons accepté. Nous l'avons signé. Et c'est là la mission des Nations unies. Nous acceptons bel et bien. Le Maroc a essayé dès le départ d'imposer un référendum truqué, falsifié, à travers un nombre de Marocains qui dépasse les votants sahraouis. C'est inacceptable. Le Maroc a signé bel et bien qu'il s'agit d'un référendum sur la base du recensement espagnol de 1974. 

DW : Vous annonciez la fin du cessez-le-feu en novembre dernier. Vous diffusiez des images de tirs de roquettes. Qu'en est-il sur le terrain ?

Mohamed Salem Ould Salek : Il y a la guerre. La guerre a commencé, a repris plutôt et c'est la faute du Maroc. 

DW : Vous parlez de guerre... Vous avez vraiment les moyens de faire la guerre ? 

Mohamed Salem Ould Salek : Les moyens humains et militaires... L'essentiel dans une guerre, c'est la volonté politique et la volonté de l'être humain. Les Sahraouis se défendent dans notre pays. Si quelqu'un vient vous chasser de votre maison, vous saurez de toutes les façons certainement comment reprendre votre maison. 

DW : La diplomatie américaine de l'administration Biden vient de confirmer qu'elle est en contact avec vous et le Maroc. Vous avez dit quoi aux Américains ?

Mohamed Salem Ould Salek : Nous avons dit aux Américains : "Il est temps". Il faut que le Conseil de sécurité assume ses responsabilités. Il faut que le Conseil de sécurité, et notamment les Etats-Unis d'Amérique, la France, la Grande-Bretagne, la Russie imposent au Maroc le respect de ses propres engagements. 

DW : Mais Joe Biden n'est pas revenu sur la proclamation de Donald Trump concernant la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara... Vous croyez vraiment que les USA peuvent aider dans ce conflit ? 

Ce mois, le Parlement européen a accusé Rabat d'utiliser les migrants mineurs comme "moyen de pression".
Ce mois, le Parlement européen a accusé Rabat d'utiliser les migrants mineurs comme "moyen de pression".Image : Sascha Steinach/imago images

Mohamed Salem Ould Salek : Nous ne pouvons pas dire plus à ce stade, mais nous considérons qu'il est temps que les Etats-Unis jouent un rôle positif. Et que cette politique de ne rien voir, que le Conseil de sécurité a fait, démontre qu'elle est la mauvaise politique. Il y a aujourd'hui, au lieu de la paix, un retour aux hostilités sur le terrain. Et sur le plan diplomatique, les Nations unies font du surplace. 

DW : Si on comprend bien Mohamed Salem Ould Salek, pour résumer, vous restez ferme sur votre position, mais vous vous dites ouvert à la discussion... 

Mohamed Salem Ould Salek :  C'est simple, nous sommes ouverts à la paix, comme nous l'avons toujours été. Nous avons signé un accord. Il faut que le Conseil de sécurité nous dise pourquoi l'accord n'est pas appliqué. Il est le garant. Il y a une mission des Nations unies. Qu'est-ce qu'elle fait cette mission ? Pourquoi est-elle venue ? Pourquoi reste-t-elle ? Il faut que le Maroc sache que la paix est liée au respect des frontières héritées de l'époque coloniale et le respect des droits du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance. Il faut que les Nations unies nous disent aujourd'hui pourquoi laisse-t-on le Maroc faire fi de tous ses propres engagements. Et on nous parle de négociations. On négocie quoi ? La position du Maroc est connue depuis 25 ans : depuis qu'il a présenté sa fameuse proposition d'autonomie, il dit : "moi, je n'ai que ça". Il faut convaincre le Maroc que ce n'est pas ça. C'est inacceptable. C'est une manière de légitimer le fait accompli. Les Sahraouis, la République sahraouie ne l'accepteront jamais.