"Nous voudrions que le Niger reprenne une vie normale"
14 août 2023Dimanche, les auteurs du coup d'Etat au Niger ont annoncé leur intention de poursuivre le président renversé, Mohamed Bazoum pour "haute trahison" et "atteinte à la sûreté" du pays. Dans un communiqué lu à la télévision nationale par le colonel-major Amadou Abdramane, un des membres du régime.
Le gouvernement dit avoir réuni des preuves pour poursuivre le président déchu ainsi que ses complices locaux et étrangers pour haute trahison et atteinte à la sûreté intérieure et extérieure du Niger. En outre, le régime militaire a dénoncé "les sanctions illégales, inhumaines et humiliantes de la Cédéao", la Communauté économique des états de l'Afrique de l'Ouest.
Ces déclarations surviennent alors que les militaires ont reçu une délégation de chefs religieux nigerians musulmans pour "apaiser les tensions créées par la perspective d'une intervention militaire" de l'organisation ouest-africaine. Selon un communiqué de la cette médiation, le chef du régime militaire, le général Tiani a déclaré que "sa porte était ouverte pour explorer la voie de la diplomatie et de la paix afin de résoudre" la crise.
Une déclaration qui va dans le sens des propos tenus par le nouveau Premier ministre, Ali Mahamane Lamine Zeine, nommé par les militaires au pouvoir, au micro de la DW.
Retranscription de l'entretien avec Ali Mahamane Lamine Zeine (et vidéo ci-dessous)
DW : voilà quelques jours que vous êtes à la tête du gouvernement du Niger. Quel est votre message à l’endroit de vos concitoyens nigériens ?
Ali Mahamane Lamine Zeine : Ecoutez, je voudrais d’abord la féliciter et [les] remercier de l’élévation d’esprit dont [ils ont] fait preuve.
Notre peuple a démontré qu’il est très mûr, qu'il a fait le choix de défendre sa souveraineté et toute autorité qui ne suit pas cet angle dans lequel notre population essaie de mettre chacun d'entre nous, en tout cas, on peut dire qu'il fait fausse route.
Donc je voudrais lui dire par le biais de votre micro que nous apprécions vivement cette élévation d'esprit, cet élan de solidarité et ce travail qui consiste à faire en sorte que l'unité nationale soit encore resserrée.
Il faut qu'elle [la population] fasse confiance aux nouvelles autorités, parce que nous avons inscrit nos actions dans le sens de la servir, de la servir en toute intégrité, de la servir en toute compétence, mais aussi en travaillant sur la notion fondamentale de notre patriotisme.
Donc, j'ai foi, en elle, et avec l'aide de Dieu, Inch Allah, nous allons nous en sortir.
DW : Avec tous ces embargos que la Cédéao a imposés au Niger, est-ce que vous n'êtes pas inquiet quant à la gestion ?
Ali Mahamane Lamine Zeine : Pourquoi être inquiet ? La vie de l’être humain est faite de défis et nous pensons que, même si c'est un défi, qui est injuste, qui nous a été imposé, nous devrions être en mesure de nous mettre ensemble pour le relever et nous allons le relever, inch Allah.
Il n'y a aucune crainte de ce point de vue. Le peuple nigérien est déterminé et je pense que, sous la houlette du chef de l'Etat et de toute l'équipe autour de lui, avec le soutien de toute notre population, mais surtout avec l'aide de Dieu, ça ira, Inch Allah.
DW : Vous venez d’accueillir une délégation du Nigéria, le chef de l'Etat aussi, est-ce qu'on peut dire qu'une dynamique de rapprochement ou bien d'ouverture de négociations avec la Cédéao est en cours ?
Ali Mahamane Lamine Zeine : Avant même que cette délégation ne vienne, le chef de l'Etat a clairement dit qu’il n'a jamais été fermé. Quel intérêt a-t-il à se fermer vis-à-vis de toute initiative qui va dans le sens de servir ces populations ?
C'est parce qu'on nous a imposé ce défi, qu'il a dit qu'il faudrait évidemment que nous nous asseyions. Et cette délégation qui est venue, vous avez bien vu, ce sont les plus grands Oulémas du Nigéria [théologiens] et même du continent, nous réconforte ; ça nous réconforte parce qu'ils sont le porte-voix d'un comportement de la société nigériane.
Au-delà de ça, vous avez même les parlementaires nigérians qui se sont réunis et qui ont clairement dit leur désapprobation sur toute idée de venir attaquer notre pays.
Mais il n'y a pas que les parlementaires et les Oulémas, vous avez aussi les populations nigérianes, les opérateurs économiques. Nous avons entendu la plupart d'entre eux et ça nous réconforte, parce que notre plus grand voisin, c'est le Nigéria, on le sait, 1.500 kilomètres que nous partageons de frontières, si vous prenez de Diffa en passant par Zinder, Tahoua, Dosso, je n'ai pas oublié Maradi, c'est des populations de part et d'autre, ce sont toutes les mêmes.
Nous avons tout intérêt à travailler, à sauvegarder cette relation, qui est extrêmement importante, qui est historique, et évidemment, que cette organisation, qui s'appelle Communauté Économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest puisse travailler sur des questions purement économiques d'abord parce que le principe fondamental de solidarité, c'est de travailler à permettre à tous les Etats qui ont accepté cette intégration de pouvoir faire en sorte de créer les conditions de richesse un peu partout et de faire en sorte que chacun des pays bénéficie de cette solidarité.
Si on constate que, en lieu et place de cette solidarité économique, le principe politique et militaire prend le devant évidemment, nous ne pouvons que le regretter.
Mais encore une fois, nous avons une tradition, vous le savez, au Niger, d’humilité. Le Nigérien, Dieu l'a fait pacifiste et pacifique. Nous voudrions très rapidement qu'une solution soit trouvée et puis que notre pays reprenne une vie normale.