Pegida se nourrit des peurs des Allemands
2 janvier 2015A Dresde, ville de l'est du pays où le mouvement « Pegida » est né, les « marches » sont hebdomadaires et rassemblent souvent des milliers de personnes. La classe politique s'inquiète de la montée de ce groupe islamophobe. Dans son allocution du Nouvel An, la chancelière Angela Merkel a qualifié de « raciste » le discours des responsables de l'organisation.
Pourtant, plusieurs études menées récemment montrent que ce discours, justement, est accueilli de façon plutôt favorable par une partie croissante de la population allemande.
13% des Allemands seraient prêts à répondre au mot d'ordre de Pegida si le mouvement organisait une manifestation dans leur ville. C'est ce qu'indique une étude menée par l'institut Forsa pour le magazine Stern. Un autre sondage effectué pour le site internet de l'hebdomadaire Die Zeit montre quant à lui que 73% des Allemands se disent « inquiets » de la montée de l'islamisme radical en Allemagne.
Une trop grande médiatisation?
Une préoccupation due notamment aux agissements de l'organisation Etat islamique en Irak et en Syrie ? La faute en partie aux médias, de l'avis de Wolfgang Thierse, l'ancien président social-démocrate du Bundestag.
« C'est loin, mais tous les jours, les gens entendent parler aux infos de terrorisme islamiste. Cela crée de la peur et empêche les gens de faire la différence entre l'islam et son détournement pour légitimer la violence. Car cela demande un effort. »
L'émergence, en septembre, dans la ville de Wuppertal, d'une milice de la charia auto-proclamée, tout comme la présence visible de salafistes dans les centres villes qui distribuent des corans, tout cela renforce les craintes de la population allemande.
Une colère avant tout sociale
Mais au fond, comme l'analyse Dieter Rucht, chercheur spécialiste des mouvements de protestation, la popularité du discours de Pegida a des raisons sociales.
« Depuis dix-quinze ans, il y a une peur diffuse dans les pays occidentaux, une peur de l'avenir. Mais aussi des peurs concrètes, de perdre son emploi, de déchoir socialement. L'écart entre les plus riches et les plus pauvres s'accroit. Les loyers augmentent, le financement des retraites est incertain. Les gens sont méfiants envers les politiques, alors ils veulent donner de la voix, se montrer. Et ils se sentent renforcés par la médiatisation donnée à Pegida. »
En amont de la manifestation de lundi à Cologne, une large coalition d'associations religieuses et laïques appellent à protester contre l'islamophobie et la xénophobie.
Ailleurs qu'à Dresde, les contre-manifestations organisées à chaque rassemblement de Pegida rassemblent de nombreux citoyens qui refusent d'opter pour la facilité et de désigner les musulmans comme bouc émissaire.
Le ministre CSU de la coopération, Gerd Müller, a toutefois pris ses distances avec les propos de la chancelière. Il estime qu' « il ne faut pas marginaliser ceux qui manifestent sous la bannière de Pegida », dont la plupart, toujours selon le ministre « ne sont pas des racistes ».