A Béni, la fête de Pâques va se célébrer loin des églises
28 mars 2024À cause de l'insécurité due aux attaques rebelles contre les villages et les églises, plusieurs localités de Beni sont désormais inaccessibles et les prêtres et pasteurs ne pourront pas rejoindre leurs fidèles ce dimanche.
Ce mercredi 27 mars, jour du marché, Zahabu Kavira arrive à Oicha pour se ravitailler en vivres pour la fête de Pâques. Elle est venue du village de Maleki près d'Oicha.
Pas de célébration de Pâques
Zahabu fait partie des personnes qui résistent encore dans ce village malgré les multiples attaques rebelles. Fervente catholique, elle se rappelle des grands moments du triduum pascal qui précède le dimanche de Pâques, mais cette année, aucune cérémonie religieuse n'est prévue dans son village.
"Je suis venue acheter juste quelque chose pour les enfants, ça ne sera pas une fête comme telle. Moi, je suis chrétienne catholique. Avant, les prêtres venaient chez nous chaque dimanche et pendant le triduum pascal, ils organisaient des catéchèses et des messes du soir, mais maintenant, c’est impossible. On se réunissait dans notre chapelle au village, mais aujourd’hui chacun reste chez soi, on a peur que les rebelles nous y attaquent pendant la messe", a raconté Zahabu Kavira.
Faustin Kangayo est un déplacé interne vivant actuellement avec ses six enfants dans une salle de classe d'une école qui accueille des déplacés à Beni. Il est nostalgique de l'ambiance de fête de Pâques dans son village d'Idou, dans la province de l'Ituri, à l'est de la RDC. Aujourd'hui, il a des difficultés pour trouver de la nourriture à ses enfants le jour de fête.
"Avant, chez nous au village, la fête était bien organisée. On avait tout ce qu'il fallait : les récoltes de nos champs, les chèvres, les vaches, les poules… On ne manquait de rien et les enfants sentaient qu'on était en fête. Chacun avait un habit neuf pour la circonstance. Mais maintenant, je n'ai rien, pas d'argent", a-t-il expliqué.
Les Eglises ne sont pas épargnées
Les attaques rebelles contre les villages à Beni n'ont pas épargné les églises. Actuellement, des herbes poussent tout autour des chapelles abandonnées. Père Omer Sivendire est curé de la paroisse Saint-Esprit d'Oicha.
Il évoque les difficultés d'évangéliser dans cette zone en proie à l'insécurité. Et contrairement aux années antérieures, ce dimanche de Pâques, Père Omer ne pourra pas rejoindre ses paroissiens qui vivent encore dans des villages un peu isolés et qui n'ont pas pu fuir.
"Dans le temps, on pouvait facilement être partout dans la contrée, mais aujourd'hui, c'est impossible alors que nos chrétiens sont là un peu plus retirés dans ces coins où ils veulent faire leurs champs, mais vivent dans l'insécurité et nous, nous sommes aussi dans l'insécurité. Nous avons du mal à y arriver. Nous espérons que l'année prochaine, nous pourrons aller partout, mais pas cette année, malheureusement. C'est très regrettable, toutes les célébrations du triduum pascal se feraient le soir, la messe de veillée pascale, c'est à minuit dans les pays qui sont en sécurité ! Mais pour nous, ça se fera à 14 heures", a déploré le prêtre catholique.
Les attaques rebelles, attribuées à l'ADF, se sont multipliées ces derniers temps à Beni, à quelques jours de la célébration de la fête de Pâques. Les deux dernières semaines, au moins 20 personnes ont été tuées.
L'armée a ainsi alerté sur des menaces terroristes pendant les festivités de Pâques. Elle a invité les populations à la vigilance.