RDC: y a-t-il un réel risque de balkanisation dans l'est?
15 février 2023''Nous avons organisé cette ville-morte pour dénoncer l’inaction des forces de l’EAC '' , nous explique Jackson Kalimba, le président de la société civile de la ville de Bukavu.
Il ne décolère pas et estime que ces militaires n’ont rien fait jusque-là, ils n’auraient selon lui jamais combattu, que ce soit seuls ou aux côtés de l’armée congolaise.
Mais ce qui l’inquiète le plus, c’est le soutien du Rwanda aux rebelles du M23 et ce qu’il considère comme une invasion.
Jackson Kalimba estime que ceux qu’il appelle les ennemis de la RDC ont deux visées principales : le pillage systématique des ressources et le démantèlement du territoire, la fameuse balkanisation.
Il rappelle le précédent de la guerre de 1998, lorsque les rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie, soutenus par le Rwanda, ont occupé l’est de la RDC. Aujourd’hui, l’incursion du M23 rappelle cette annexion.
''Les Congolais n’ont jamais pensé à cette balkanisation. Les tenants de cette thèse, ce sont les étrangers et les multinationales qui sont derrière les groupes armés qui pullulent dans l’est de la RDC pour piller nos ressources naturelles à travers le Rwanda, l’Ouganda, quelques politiciens en mal de positionnement et quelques Congolais corrompus '' explique-t-il à la DW.
En 2019, l’église alertait déjà
Le révérend Eric Senga, porte-parole de l’Eglise du Christ au Congo (ECC) partage le même avis que la société civile sur la présence des forces de la Communauté d’Afrique de l’Est.
S’agissant de la balkanisation, il rappelle que déjà en 2019, l’église du Christ au Congo alertait les risques qu’elle prenne forme.
''Au niveau de l’imaginaire collectif, voire des intellectuels, voire des religieux congolais, la balkanisation signifie la division du pays. Il est clair que le pays est menacé par plusieurs mouvements de groupes armés venant des pays voisins mais qui opèrent sur notre territoire. Il y a un risque pour nous c’est qu’ils veuillent éclater notre pays, lui faire perdre ses limites et ses frontières actuelles. Ici, l’intérêt est que le Congo reste un comme la Constitution du pays en son article premier, '' indique le porte parole de l’ECC à la Deutsche Welle.
Patrice Lumumba mettait déjà en garde contre la balkanisation
Car le risque de balkanisation, ou de scission du territoire, fait partie de l’histoire du Congo, rappelle le politologue Jean-Claude Mputu. Quelques mois après l’indépendance, la province du Katanga avait ainsi fait sécession et avait été suivie par le Kasaï.
Le Premier ministre de l’époque, Patrice Lumumba, mettait alors en garde sur le fait que certaines personnes voulaient balkaniser le Congo. On sait aujourd’hui que la sécession katangaise était soutenue par la Belgique et les Etats-Unis.
Cependant, dans le contexte actuel de la guerre des Kivus, le terme a tendance à revenir inlassablement.
''Aujourd’hui, dans les Kivus en particulier, on voit toutes les ambitions exprimées par certains officiels rwandais sur le prolongement des territoires rwandais dans les Kivus. Il y a des gens à l’extérieur qui veulent balkaniser une partie du pays pour que le Congo ne soit pas dans ses frontières héritées de l’indépendance. Heureusement que d’une part il y a la loi, le droit de l’Union africaine qui reconnaît le peuple dans ses frontières héritées de la colonisation, mais surtout il existe un vrai sentiment aujourd’hui d’appartenance à une seule nation qui est la République démocratique du Congo dans toutes ses frontières, c’est-à-dire les 2.345.000 km2'' précise Jean-Claude Mputu.
Tensions RDC-Rwanda
Aujourd’hui encore, des accrochages entre militaires rwandais et congolaisont été rapportés par la société civile du Sud-Kivu. Ces incidents ont eu lieu entre les villes frontalières de Bukavu et Cyangugu.
Des tirs ont été entendus aux alentours de 3h du matin. Du côté rwandais, l’incident est confirmé et aucune perte n’est pour le moment déplorée.