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Ces sociétés de sécurité étrangères qui opèrent en RDC

10 décembre 2024

Pour lutter contre la rébellion du M23, l'armée congolaise s'appuie sur des forces extérieures, notamment des sociétés de sécurité étrangères.

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Une patrouille de soldats de l'armée congolaise à Goma
Les combattants des sociétés de sécurité étrangères assurent venir soutenir les FARDCImage : Wang Guansen/Xinhua/picture alliance

Le colonel Romuald a servi pendant 36 ans dans l'armée française. Ce parachutiste a été en mission au Mali, au Sénégalet au Togo, en Afghanistan et au Kosovo. Aujourd'hui, il se bat dans l'est de la République démocratique du Congo, alors qu'il pourrait profiter de sa retraite chez lui.

Le colonel dirige une mission délicate à Goma. C'est pourquoi il ne souhaite pas que son nom de famille soit publié. Il est à la tête d'une équipe de 20 personnes de la société de sécurité bulgare Agemira. Celle-ci conseille l'armée congolaise sur la manière de mener la guerre contre la rébellion du M23 et de mettre de l'ordre dans ses propres rangs.

L'entreprise s'occupe également de l'entretien des avions et des drones, du ravitaillement des soldats et négocie des contrats d'armement.

 La plupart des employés de la société sont des camarades du colonel Romuald, retraités de l'armée française comme lui. Kinshasa a engagé Agemira alors que le M23 a de nouveau pris les armes avec le soutien du Rwanda, selon les experts des Nations unies. Le M23 compterait jusqu'à 4.000 soldats.

La rébellion occupe désormais une grande partie de la province fertile et riche en matières premières du Nord-Kivu.

Outre Agemira, le gouvernement congolais a également recruté la société militaire roumaine Ralf, dont le nom en roumain signifie "Les Roumains qui ont servi dans la légion française". Celle-ci compte 800 combattants.

La plupart de ses anciens membres de la Légion étrangère française sont originaires de Roumanie et de Biélorussie. Les mercenaires de la société Ralf forment un cercle de défense autour de Goma et de la localité stratégique de Sake. Ils se font appeler "Roméos".

Des soldats dans un véhicule
Les mercenaires forment un cercle de défense autour de Goma et de la localité de SakeImage : Alain Uaykani/Xinhua/IMAGO

"Une mission noble"

Agemira et Ralf se considèrent comme une équipe. Le colonel Romuald l'assure, ses camarades et lui se battraient pour "une noble cause ".

"Nous, on est toujours fiers d'être là, et d'aider nos camarades des FARDC, surtout dans ce combat qui nous semble légitime, juste et noble, puisqu'il s'agit de défendre les déplacés et les plus démunis", explique-t-il.

En dépit de la présence de ces sociétés de sécurité étrangères, la paix est loin d'être de retour dans l'est du Congo, bien qu'un cessez-le-feu soit officiellement en vigueur depuis août. Les négociations diplomatiques entre la RDC et le Rwanda n'ont pas non plus encore donné de résultats positifs.

Le colonel Romuald attribue le fait que l'armée congolaise perde du terrain à la supériorité technique et à la meilleure discipline de l'armée rwandaise.

"Un traitement inégal"

 Il y a quelques mois, de nombreux combattants de Ralf sont partis parce que le gouvernement congolais n'avait pas payé leur salaire à temps. Mais le problème est désormais réglé, assure le colonel Romuald.

Selon lui, la solde des étrangers se situe entre 5.000 et 6.000 dollars américains par mois, en fonction du grade. Onesphore Sematumba, analyste à l'International Crisis Group, critique toutefois le traitement inégal des soldats nationaux et étrangers.

" Leurs officiers sont dans les hôtels à Goma ou dans des villas, sous la protection de la garde républicaine, donc l'élite de l'armée congolaise" explique l'analyste qui déplore un "rapport de force, un peu raciste, comme si les mercenaires avaient tous les avantages" et fait remarquer qu' ils roulent dans "de belles camionnettes de l'armée congolaise, alors que les militaires congolais sont dans des vieilles camionnettes, ou carrément à pied".

Onesphore Sematumba pense par ailleurs que ces soldats étrangers ne pourront pas arrêter l'avancée du M23. Il rappelle qu'en plus de l'armée congolaise et des mercenaires, les forces militaires sont multiples sur le terrain.

Il y a ainsi la force de paix de l'Onu, la Monusco, les soldats de la Communauté de développement d'Afrique australe, des unités du Burundi et de l'Ouganda, ainsi que les milices des Wazalendos, qui soutiennent l'armée congolaise.

Selon le colonel Romuald, les Européens ne seraient pas au Congo pour l'argent. Frank Daumann est économiste, il étudie le marché des entreprises de sécurité privées. Selon lui, certains vétérans des armées régulières cherchent une activité complémentaire après leur retraite.

Selon lui, il faut "faire la distinction entre les motivations des membres des sociétés militaires privées".

Il explique qu'il y a "ceux qui veulent améliorer leur situation financière. Il y en a bien sûr qui sont des vétérans des unités militaires classiques et qui cherchent ensuite, d'une manière ou d'une autre, un emploi ultérieur. La motivation est donc simplement, que l'on trouve cela bon ou mauvais, qu'ils ont pris du plaisir à faire leur travail et qu'ils veulent continuer à le faire dans un autre cadre".

Des soldats de l'armée congolaise sur une colline
Plusieurs forces opérent dans l'est de la RDC aux côtés des FARDCImage : Alain Uaykani/Xinhuaa/picture alliance

Une position défensive

Le mercenariat n'est pas légal en Europe. Les services secrets en France et en Roumanie interrogeraient ainsi parfois les militaires d'Agemira et de Ralf, lorsqu'ils sont en permission chez eux, explique le colonel Romuald.

Les pratiques commerciales de nombreuses entreprises de sécurité privées ne sont néanmoins pas transparentes. Human Rights Watch accuse par exemple l'entreprise russe Africa Corps (anciennement groupe Wagner) ou l'américaine Academi (anciennement Blackwater) de multiples crimes.

En ce qui concerne Agemira ou la société Ralf, les défenseurs des droits de l'Homme à Goma n'ont jusqu'à présent aucune indication sur le fait qu'elles commettraient des crimes ou feraient du commerce illégal de matières premières.

L'analyste Onexphore Sematumba explique que le contexte dans lequel évoluent ces membres des sociétés privées militaires étrangères est particulier : "Ils sont dans une position défensive. lls sont déployés autour de la ville de Goma. Le contexte est différent de celui de Wagner (l'ancien groupe de mercenaires russes dénommé aujourd'hui Africa Corps, ndlr)."

Selon le chercheur, les combattants de ces sociétés privées "n'ont pas l'opportunité d'aller guerroyer dans les montagnes et de confondre le M23 avec la population civile".

Le colonel Romuald se considère avant tout comme un conseiller. Les employés d'Agemira ne portent pas d'armes. Les militaires de la société Ralf ont certes eux des armes, mais ne se battront que de manière défensive, si Goma ou Sake étaient attaqués.