Félix Tshisekedi s’en prend à nouveau au Rwanda
12 décembre 2024Une accusation formulée ce mercredi (11.12.24) lors de son discours sur l'état de la Nation devant les députés de l'Assemblée nationale à Kinshasa. Le président congolais continue donc à faire des déclarations hâtives qui brandissent le risque d’une perte de territoire à l’est du pays. C'est une nouvelle sortie assez controversée du chef de l'Etat congolais sur la situation sécuritaire dans l'est de la RDC. Depuis la reprise, fin 2021, de l’offensive des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, l’armée congolaise, épaulée par des milices locales, les Wazalendo, peine à faire face.
Le Rwanda a déployé 4.000 militaires sur le sol congolais, officiellement pour assurer sa sécurité face à une autre rébellion, celle des Forces démocratiques de libération du Rwanda. Dans ce contexte, la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a récemment déclaré sur nos ondes qu’il s’agit d’une "occupation".
Kinshasa accuse ainsi Kigali de poursuivre des visées expansionnistes sur son territoire. Devant le Parlement à Kinshasa, le président congolais a donc accusé le Rwanda d'être en train de « repeupler » certaines parties de l'est de la RDC d'étrangers, des Rwandais pour être précis, sans donner plus de détails sur cette information qui circule depuis plusieurs mois, mais qui n’a jamais été authentifiée sur le terrain.
Le professeur Augustin Muhesi, enseignant en sciences politiques à l'Université de Goma, estime aussi en effet qu'il est difficile de prouver les accusations du chef de l'Etat congolais.
Augustin Muhesi note qu'"il n'y a pas d'agences internationales comme le Haut-Commissariat pour les réfugiés, pour ne citer que cette agence, mais également comme l'OIM et même d'autres ONG internationales qui pourraient justement contrevérifier cette information. Cependant, en attendant la contre-vérification, on ne peut pas oublier qu'il y a eu, par moments, des dénonciations ou, je dirais même, des alertes qui ont été signalées par des leaders locaux qui affirmaient avoir aperçu des personnes non autochtones dans certains milieux."
Retour de réfugiés
Augustin Muhesi rappelle cependant que des officiels rwandais ont affirmé que la rébellion du M23 réclamait le retour de certains réfugiés congolais exilés au Rwanda. Pour le journaliste et analyste politique congolais Kerwin Mayizo, le discours du président Félix Tshisekedi et sa façon de résoudre le conflit avec le Rwanda sont contradictoires.
Selon Kerwin Mayizo, "d'un côté, on fustige le Rwanda pour la consommation interne, mais de l'autre, on continue d'entretenir des relations diplomatiques avec ce pays. Je rappelle que, jusqu'à aujourd'hui, la RDC n'a pas rompu ses relations avec le Rwanda. Le président Tshisekedi n'a jamais fermé la frontière avec le Rwanda parce que beaucoup de personnes au pouvoir à Kinshasa sont impliquées dans le trafic de minerais dont on accuse le Rwanda".
Des années de conflits
La RDC fait l'objet, depuis plusieurs années, d'agressions armées venant de ses voisins, en particulier du Rwanda et de l'Ouganda, mais pour Patrick Mboyo, docteur en droit public et chercheur associé à l’Université Paris-Saclay en France, l'instrumentalisation politique du conflit qui déchire l'est de la RDC constitue un frein à sa résolution.
Patrick Mboyo estime que "la difficulté est que nous avons actuellement à la tête de la République démocratique du Congo des dirigeants qui exploitent cette question de la sécurité dans l'est du pays pour en faire un leitmotiv politique sur le plan interne. A partir de ce moment-là, les discours deviennent un tout petit peu antinomiques, voire dichotomiques, parce que la réalité n'est plus présentée, que ce soit du côté du Rwanda, avec à sa tête Paul Kagame, ou de la RDC, avec le président Félix Tshisekedi qui exploite cette question".
Le président congolais a déjà montré qu’il était prêt à modifier la réalité en sa faveur. Alors que celui-ci souhaite modifier la Constitution, il a récemment affirmé qu’un article de l’actuelle de loi fondamentale prévoyait un possible démantèlement de la souveraineté congolaise en faveur d’un Etat étranger. Une disposition qui n’existe pas dans la Constitution congolaise.