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Robert Dussey : "C'est en étant unie que l'Afrique prendra part à la gouvernance mondiale"

2 mai 2023

A l'initiative du Togo, une Alliance politique africaine se donne pour mission de rendre à l'Afrique, la place qui lui revient sur l'échiquier international. L'Alliance se propose aussi d'être un levier de développement et de défense antiterroriste. Le Professeur Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères en expose les objectifs.

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Des représentants de plusieurs pays d'Afrique du Nord, de l'Ouest et d'Afrique centrale se sont retrouvés ce mercredi (03.05.2023) à Lomé au Togo. La rencontre ministérielle se déroulait dans le cadre de l'Alliance politique africaine (APA).

Cette alliance ambitionne d'être un réseau d'échanges entre pays africains pour rendre à l'Afrique la place qui lui revient sur l'échiquier international. L'Alliance se propose aussi d'être un levier de développement et de défense antiterroriste. Elle a été créée sur l'initiative du Togo.

Lisez ou écoutez l'interview du ministre des Affaires étrangères du Togo, le Professeur Robert Dussey.

L'APA ne fait pas doublon avec l'Union africaine

Photo de famille des dirigeants africains lors d'une réunion à Addis Abeba (Archives - Addis Abeba, 18.02.2023)
L'Afrique s'est montrée divisée lors des votes à l'Onu pour condamner l'invasion de l'Ukraine par la RussieImage : Eduardo Soteras/AFP/Getty Images

DW : Bonjour Monsieur le ministre Robert Dussey, est-ce que l'Alliance politique Africaine APA en abrégé est une Union africaine bis ? 

Robert Dussey : Pas du tout. L'Alliance politique africaine n'a pas vocation, soyez rassurés, à se substituer ni à l'Union africaine, ni à la Cédéao, ni à une quelconque organisation sous régionale. L'Alliance politique africaine se veut un cadre informel de coopération renforcée. Son ambition, si vous le voulez, est très recentrée sur ce que nous appellerons, les priorités africaines et ces priorités qui sont entre autres, notre développement, notre autonomie à prendre des décisions nous mêmes et notre sécurité. 

DW : Il semble donc que le constat de départ signale un certain échec, une certaine insuffisance dans les résultats obtenus jusqu'ici par les organisations sous régionales. 

Robert Dussey : C'est vrai que sur tous les plans, quand on voit les organisations sous régionales africaines, il y a beaucoup de commentaires à faire. 

Mais nous soutenons toujours toutes les organisations sous régionales. Mais cette alliance veut montrer le côté des idéaux du panafricanisme et cette alliance est déterminée à œuvrer pour une Afrique politiquement forte, indépendante, décomplexée, non alignée si vous voulez, et capable de participer en tant qu'actrice non négligeable à la gouvernance mondiale. 

DW : Robert Dussey, vous avez fait allusion au panafricanisme tout à l'heure. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de ce que vous observez actuellement avec les manifestations panafricanistes ? Comment faire pour que la défense des intérêts et valeurs de l'Afrique ne vire pas à l'extrémisme et la violence dans tous les sens du terme ? 

Faire respecter l'Afrique

Photo du président de Guinée-Bissau Umaro Sissoco Embalo au siège de l'Union africaine
L'Afrique exige un siège permanent au Conseil de sécurité de l'OnuImage : Tony Karumba/AFP/Getty Images

Robert Dussey : Le panafricanisme est avant tout un mouvement d'émancipation et n'a pas vocation à servir l'extrémisme ni la violence. Il peut, je reconnais, exister des tentatives d'instrumentalisation du panafricanisme au service de causes peu orthodoxes, ce que nous ne soutenons pas. 

Tout l'intérêt pour le panafricanisme aujourd'hui réside dans le fait que c'est en étant uni que le continent pourra véritablement prendre part à la gouvernance mondiale. Alors que dans les faits, nous ne sommes pas unis. Le fait que nous ne soyons pas unis, ce n'est pas la faute des autres, c'est d'abord notre faute, même s'il faut reconnaître parfois des manipulations extérieures. Mais ici, nous nous prenons à nous mêmes.  

Pour éviter toute dérive, il nous faut un panafricanisme lucide et réfléchi, puisque l'on peut défendre les intérêts et les valeurs de l'Afrique sans tomber dans la violence. 

DW : Devant l'Assemblée générale des Nations unies, à la 77ᵉ session de cette Assemblée générale de l'Onu, Robert Dussey, vous affirmiez que l'Afrique s'attendait à plus d'égalité, de respect, d'équité et de justice dans ses relations et partenariats avec le reste du monde, avec les grandes puissances, quelles qu'elles soient. Que vouliez-vous dire exactement ?  

Robert Dussey : Mais cela se voit à l'œil nu ! L'Afrique n'est pas respectée ! Nous pensons que c'est inadmissible pour 54 pays et plus d'un milliard et demi d'habitants. 

Donc il faut désormais considérer l'Afrique. Et d'ailleurs, vous voyez que depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, etc. vous vous rendez compte vous même, qu'il y a beaucoup de valets diplomatiques sur le continent africain. Maintenant, certains voient que l'Afrique est importante, mais nous ne voulons pas de cette Afrique où on vient nous courtiser seulement pour avoir nos votes au Conseil de sécurité (de l'Onu, ndlr). Mais qu'on vienne nous voir comme des partenaires et travailler avec nous pour la paix mondiale. 

Les leviers de l'offensive africaine

Photo d'une réunion au Conseil de sécurité de l'Onu (Archives - New York, 08.03.2023)
Le Conseil de sécurité de l'Onu est composé de 15 membres dont cinq sont permanentsImage : Ed Jones/AFP/Getty Images

DW : Alors, cela signifie qu'il faut se baser sur des leviers, monsieur le ministre, pour prétendre avoir une place sur l'échiquier mondial. Sur quoi l'Afrique devrait-elle se baser et s'appuyer pour, comme vous le désirez, faire entendre sa voix ? 

Robert Dussey : L'Afrique est dans un monde où la dynamique est à la course aux armements. Mais la vérité, nous pensons aujourd'hui au sein de l'Alliance politique africaine, que l'Afrique, que nous voulons politiquement forte, indépendante, décomplexée, non-alignée, et capable de participer en tant qu'actrice à la gouvernance mondiale, cette Afrique, à un moment donné, doit se poser la question sur sa défense au plan militaire. 

DW : L'Alliance politique africaine (APA) est une initiative du Togo qui se montre très actif dans la résolution de certaines crises sur le continent. Que gagne Lomé concrètement à travers cet activisme, alors que le pouvoir est régulièrement accusé de ne pas respecter les droits de l'homme ? 

Robert Dussey : Ceux qui connaissent bien l'histoire de la politique étrangère du Togo doivent savoir que la diplomatie togolaise est une diplomatie des médiations. 

Il y a eu plusieurs réunions depuis les années 80. Chaque fois, quand il y a des conflits comme les conflits au Tchad dans les années 80, les rebelles tchadiens se sont retrouvés au Togo. Quand la crise ivoirienne a commencé en l'an 2000, les rebelles ivoiriens à l'époque se sont retrouvés au Togo. La crise en Sierra Leone, au Liberia, etc. 

Vous savez donc, la diplomatie togolaise promeut le dialogue, la paix comme valeurs et la défend comme un horizon vers lequel il faut tendre. 

Et pour le président de la République, le Togo doit s'engager et s'est toujours engagé, comme je vous le disais, depuis, au service de cette cause, par le dialogue et la négociation. 

DW : Monsieur le ministre, Robert Dussey, merci.

Robert Dussey : Je vous remercie.