Rwanda : des enseignants pour faire renaître le français
30 octobre 2020Plus d’une centaine d’enseignants originaires de l’Afrique francophone sont recrutés sur une base volontaire pour être envoyés en mission au Rwanda pour y enseigner le français. Le projet est piloté par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Parmi les pays qui envoient des enseignants, il y a le Cameroun, le Sénégal, le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Gabon.
Le "mobility project" - ainsi s'intitule l'initiative - permet à l’OIF de recruter et d’envoyer des professeurs de français à des Etats membres qui en font la demande. L’objectif étant de rehausser le niveau de français au sein de la communauté.
Le Rwanda est une ancienne colonie de la Belgique avec le français comme langue officielle. Mais en 1994, l’anglais a commencé à remplacer le français dès la prise du pouvoir par les dirigeants actuels qui ont fait leurs armes dans les pays anglophones voisins du Rwanda.
Le tournant en 2006
Le tournant s’est concrétisé en 2006 quand le juge anti-terroriste français, Jean Louis Bruguière, a émis un mandat d’arrêt contre des officiers de l’armée rwandaise, y compris le président Paul Kagame.
Un mandat d’arrêt basé sur des accusations de crimes de guerre dans le cadre de l’enquête sur le tir de missile qui a abattu l’avion de Juvénal Habyarimana, l’ancien président hutu du Rwanda.
Kigali a alors quasiment banni le français de l’enseignement et rejoint le Commonwealth.
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Selon Wellars Mujyambere, un enseignant rwandais, "Le français était enseigné au Rwanda mais depuis 2006, le quota d’heures de cours a baissé au profit de l’anglais, devenu langue principale d’enseignement dans les écoles. Peut-être que la décision visait à provoquer des conséquences".
Cet enseignant estime que le réchauffement des relations entre la France et le Rwanda, notamment sous le président Nicolas Sarkozy, a favorisé un changement de la situation.
"Ils veulent que l’accent soit aussi mis sur le français pour que les apprenants deviennent bilingues. Et vous savez, nous sommes membres de l’OIF et du Commonwealth et cela nous amène à utiliser les deux langues ", explique l’enseignant.
Bonnes relations avec le monde francophone
Ce changement intervient au moment où l’OIF est dirigée par la Rwandaise Louise Mushikiwabo. Depuis sa prise de fonction, l'ancienne ministre des Affaires étrangères veille à ce qu’il y ait aussi de bonnes relations entre le Rwanda et les autres pays du monde francophone.
C’est aussi le constat de Charles Ndushabandi qui réside à Kigali. "Bien sûr, la France a intérêt à ce que cet héritage linguistique soit entretenu. Car si la France perd le Rwanda, on ne sait jamais, elle peut aussi perdre le Burundi. Certains Burundais à qui j’ai parlé m’ont dit qu’ils avaient commencé à apprendre l’anglais en raison de l’appartenance de leur pays à la Communauté de l’Afrique de l’Est.", pense-t-il.
Il estime que "Par ailleurs le président rwandais essaie de jouer entre la Francophonie que dirige une Rwandaise et le Commonwealth qu’il s’apprête lui-même à présider, deux années après la tenue ici à Kigali du sommet de cette organisation".
En dehors de l’enseignement du français, les experts francophones en mission au Rwanda formeront aussi leurs homologues rwandais. Le projet s’étalera sur deux ans.
Le français demeure une langue officielle du Rwanda après le Kinyarwanda, l’anglais et le Kiswahili. Le gouvernement rwandais à travers son ministre de l’Education a confirmé que le pays collaborait avec l’OIF en vue de la promotion de l’enseignement du français au Rwanda.