Sahel : les juntes multiplient les atteintes aux libertés
6 décembre 2024Arrestation arbitraire, harcèlement, disparition forcée… Ce sont des mots qui reviennent régulièrement dans les différents rapports des organisations de défense des droits de l'Homme, concernant la situation dans les pays où des militaires se sont emparés du pouvoir, ces dernières années, notamment au Sahel.
Au Niger, le dernier cas emblématique d'interpellation dans des conditions troubles est celui de Moussa Tchangari, connu pour ses prises de position critiques envers les autorités militaires.
Selon ses proches, "des hommes armés sont venus le chercher chez lui". Pour le moment, on ignore qui étaient ces hommes et pourquoi ils ont agi ainsi.
Arrestation ou exil
Dans son dernier rapport mondial, Human Rights Watch indiquait qu'au Niger, "les autorités ont réduit les voix dissidentes au silence".
Les mêmes reproches sont formulés contre le Mali, où il est beaucoup question d'arrestations arbitraires.
C'est le cas par exemple de Youssouf Daba Diawara, un proche de l'imam Mahmoud Dicko l'un des rares à oser exprimer ouvertement ses désaccords avec la junte au pouvoir.
L'arrestation de Youssouf Daba Diawara avait fait couler beaucoup d'encre avant sa libération.
Plus récemment, en novembre, c'est l'opposant malien, Issa Kaou Djim, qui a été arrêté suite à une plainte du Conseil supérieur de la communication du Burkina Faso qui l'accuse d'avoir offensé le pouvoir militaire burkinabè. Il est détenu depuis au Mali.
Il y a aussi les voix critiques qui ont été obligées de prendre la route de l'exil. C'est ce qui est arrivé à l'homme politique Malien Oumar Mariko pour qui "imposer l'exil politique à quelqu'un pour sa liberté de ton et d'opinion est simplement un acte criminel". Il asure par ailleurs que "l'exil est dur, mais pour la patrie, il n'y a pas de sacrifice qui soit trop grand."
Répression et disparitions forcées
Au Burkina Faso également, que ce soit des politiciens ou des militants de la société civile, plusieurs personnalités critiques de la junte du capitaine Ibrahim Traoré ont subi la répression du pouvoir en place.
Certains ont été envoyés combattre les terroristes au front. Le cas le plus emblématique est sans doute celui de l'ancien ministre Ablassé Ouedraogo, enrôlé de force par la junte alors qu'il est âgé de plus de 70 ans.
L'avocat Guy Hervé Kam, cofondateur du Balai citoyen, qui n'hésitait pas à dénoncer le musellement de l'opposition par la junte, a été lui arrêté en janvier, puis libéré. Puis de nouveau interpellé et est depuis toujours en détention.
En Guinée, ce sont deux cas qui restent pour l'heure très inquiétants, avec la disparition des défenseurs des droits humains, Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla dit Foniké Manguè.
Les deux responsables du Front national pour la défense de la Constitution ont été enlevés dans la nuit du 9 juillet 2024 par des hommes cagoulés à leur domicile et emmenés vers une destination inconnue.
Depuis, on est sans nouvelle d'eux et les autorités assurent ne pas être liées à cette affaire.
Pas de contestations
Pour l'expert en gouvernance Dany Ayida, ces disparitions, tout comme les interpellations et détentions arbitraires, ne font que confirmer le caractère autoritaire de ces régimes militaires.
" Nous sommes dans des Etats d'exception et toutes les autres institutions sont contrôlées par l'exécutif détenu par ces militaires. Les dirigeants de ces pays tiennent à leur image et n'admettent pas de contestation" explique l'expert qui déplore le fait que "ces arrestations arbitraires et ces disparitions forcées remettent en cause les promesses faites par ces dirigeants qui ont promis d'apporter plus de liberté, plus de dignité dans la gestion publique."
Sur la liste des voix critiques réprimées par la violence figure aussi Yaya Dillo au Tchad, tué dans les locaux de son parti lors d'une opération de l'armée. Le président du Parti socialiste sans frontière était considéré comme le principal opposant à la junte tchadienne. Ses proches ont qualifié sa mort "d'assassinat".