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"Les journalistes aident à lutter contre l'insécurité"

Jean-Claude Abalo
27 novembre 2024

Interview avec la journaliste et bloggueuse nigérienne Samira Sabou, lauréate 2024 du prix du CPJ pour la liberté d'expression.

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Samira Sabou, symbole du journalisme courageux, a reçu le 21 novembre 2024, à New York, le prestigieux prix du Committee to Protect Journalists (CPJ) pour la liberté d’expression.

Dans un Niger où la presse est réduite au silence par la junte militaire, elle s’est affirmée comme une voix forte et résiliente face aux différentes pressions. Son engagement pour la vérité en fait une figure incontournable de la défense de la liberté de la presse en Afrique.

Dans cette interview exclusive, notre correspondant à New York, Jean-Claude ABALO, explore avec elle, ses luttes, ses motivations et ses aspirations. 
 

Interview avec Samira Sabou

DW : Samira Sabou, que représente le prix CPJ, pour vous, pour votre pays et pour l'Afrique de l'Ouest en général ?

Ce prix, pour moi, c'est le prix de la liberté. C'est le prix de la liberté d'expression en ligne.

Quand vous demandez pour mon pays, j'ai souvent, à travers des plaidoyers, décrit la situation : au Niger il n'y a pas d'autorisation en tant que telle pour exercer en ligne.

Le journalisme en ligne n'est pas reconnu mais plutôt toléré Cet état de fait n'est pas propre qu'au Niger, il est propre à la sous-région.

Donc ce prix pour nous représente un engagement à faire reconnaître le travail de journalisme en ligne auprès de notre association auprès des institutions de l'Etat, en collaboration avec les institutions internationales qui ont bien voulu nous accompagner dans ce travail, de même que les députés aussi nationaux, il faut le reconnaître.

Donc ce prix, c'est pour toutes ces structures.

Sans compter aussi les structures de défense des droits des journalistes qui ont eu à nous accompagner pour que nous ne soyons pas contraints de rester en prison ou que les poursuites qui étaient engagées contre nous soient abandonnées pour certaines car ces poursuites n’étaient pas conformes à l'ordonnance portant régime de la presse au Niger.

 

DW : Ce prix est une joie pour vous, mais pas forcément pour votre pays ?

Je ne dirais pas que ce n'est pas une joie pour mon pays. Au contraire, je pense que tout enfant, tout citoyen de son pays qui rapporte un prix, ce prix aussi a une connotation. Pour le Niger, ce prix dit que nous ne sommes ni les meilleurs ni les pires en matière de liberté d'expression.

Cela suppose que nous avons encore du chemin à faire pour que chaque citoyen ne se retrouve pas en situation de souffrance, ne se retrouve pas en situation d'injustice parce que les textes n'ont pas pu suivre le cours de l'histoire, les changements qu'il faut.

Si on regarde les juridictions, dans tous les pays du monde, elles évoluent au même rythme que les technologies, que les innovations. Donc nos pays aussi doivent suivre cela. Ils doivent aussi s'engager à cela.

Du moment où la presse étatique est présente sur les médias sociaux, les médias en ligne. Quand vous prenez les actes qui ont régi la cité au niveau de la région du Sahel, en tout cas, la plupart des actes administratifs ont circulé d'abord sur les médias sociaux, sur les médias en ligne, avant de se retrouver sur les médias traditionnels.

Donc je pense que mon pays devrait en être fier.

 

DW : Aujourd'hui, on sent que la situation est dégradée en matière de liberté de presse dans les pays de l'AES

Oh, ça c'est une très grande question. J'ai de l'amertume. J'ai de la tristesse quand je vois beaucoup de journalistes qui se sont battus. Pas que des journalistes… Des chefs d'États aussi, qui ont justement ratifié des conventions.

Quand je regarde en arrière en 2010, où on avait justement tant de droits, où les délits commis par voie de presse n'étaient pas pénalisés, je me demande si nous pouvons retrouver ces acquis.

Je me demande si nous aurons ce courage de trouver les moyens de démontrer à nos gouvernants, même s'ils sont militaires, que nous pouvons être utiles dans cette lutte contre l'insécurité et que d'exposer justement les faits et ce qui se passe ne peut qu'être utile pour que tous ensemble, parce que cette guerre ni les militaires ne la gagneront seuls, ni les populations gagneront seules.

C’est ensemble, connaissant les faits, connaissant ce qui se passe sur le terrain, que les gens peuvent se donner les moyens de changer les choses.

Mais tant qu'il y a des choses qui ne sont pas tout à fait exposées au grand public, je pense qu'il nous reste encore beaucoup de choses à faire.

Donc quand les militaires aujourd'hui font référence à certaines problématiques, il faut que ces problématiques soient aussi exposées dans leurs détails au grand public pour que le public concerné puisse prendre les dispositions adéquates.

 Mais tant que l'ensemble des détails ne sont pas exposés, je ne pense pas que nous pouvons prendre les moyens qu'il fallait.

Jean-Claude Abalo Correspondant à New York aux Etats-Unis pour le programme francophone de la Deutsche Welle