Déjà un mois de détention pour les soldats ivoiriens au Mali
10 août 2022Parlons d'abord du rapport que vient de publier Human Rights Watch (HRW) qui s’inquiète de la répression croissante des voix critiques au Mali.
L'ONG se montre en effet préoccupée par la dégradation des droits de l’homme sous le régime militaire de transition. L’ONG parle d’arrestations d’opposants et de critiques présumés du gouvernement.
Selon HRW, certaines personnes considérées comme critiques vis-à-vis de la junte militaire, ont été détenues pendant des mois, sans procès, pour des chefs d’inculpation motivés par des raisons politiques.
"Beaucoup de personnes ne peuvent pas parler comme avant. Elles disent qu’elles n’osent pas parler parce qu’il y a tellement d’exemples de personnes qui ont été emprisonnées à cause de leurs critiques publiques. Il y a aussi les détentions pour de longues périodes sans liberté provisoire. Des personnes qui ont aussi été soumises à la torture", dit Henry Jehanne, l'une des auteures de ce rapport.
Human Rights Watch cite lecas d’Etienne Fakaba Sissoko, professeur d’économie, arrêté en janvier dernier pour des propos prétendument "subversifs", puis libéré en juin.
C’est aussi le cas d’Oumar Mariko, chef d’un parti politique, arrêté le 6 décembre 2021 pour avoir critiqué le Premier ministre Choguel Maïga et détenu pendant près d’un mois. Il vit depuis lors dans la clandestinité.
Amadou Haya, premier secrétaire général adjoint de la Convergence pour le développement du Mali, estime que, "nous sommes inquiets du rétrécissement de notre espace démocratique. Nous sommes dans un régime d’exception. C’est très inquiétant pour la démocratie. Tous les démocrates sont inquiets de ce qui se passe actuellement dans notre pays."
L’ONG dénonce également la restriction de l’espace médiatique.
Des soldats comme moyen de pression
Quant au différend qui oppose depuis un mois maintenant le Mali à la Côte d’Ivoire et relatif aux 49 soldats ivoiriens arrêtés à l’aéroport de Bamako, le 10 juillet dernier, la diplomatie togolaise n’a toujours pas réussi à trouver une solution à cette crise.
Pour le sociologue malien, Tandjigora Fodié, Bamako veut faire de ces soldats un moyen de pression.
"On tarde à les libérer simplement parce qu’il faut un moyen de pression sur la Côte d’Ivoire qui avait été considérée comme l’aile dure dans les négociations autour du dossier malien. L’Etat malien les retient pour en faire un moyen de pression. Il y a des sommets qui doivent se tenir. Ça aidera le Mali à peser dans les négociations", estime le chercheur.
Geoffroy-Julien Kouao, analyste politique ivoirien, estime aussi que le Mali se venge de la Côte d’ivoire qui a soutenu les sanctions économiques.
"Pour les autorités maliennes, Alassane Ouattara était le chef de file des chefs d'Etat de la Cédéao qui ont pris des sanctions contre le Mali. La présence des soldats ivoiriens dans les geôles maliennes prend valeur de représailles contre l’attitude des autorités ivoiriennes vis-à-vis du Mali pendant la période des sanctions de la Cédéao contre le Mali."
La semaine dernière, le porte-parole du gouvernement ivoirien, Amadou Coulibaly, avait affirmé que le processus de libération de ces soldats pourrait être long.