Sénégal : des voix critiques inquiétées par la justice
27 décembre 2024Les interpellations et arrestations sont récurrentes au Sénégaldepuis la prise de fonction du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko. Dans la ligne de mire : des chroniqueurs critiques du nouveau pouvoir et des personnalités politiques, comme le maire de Dakar, Barthélémy Dias, rival politique de Ousmane Sonko, qui a été démis de ses fonctions électives. Certains Sénégalais y voient un retour de la pression politico-judiciaire, comme sous le précédent gouvernement.
"Je ne l’accepterai pas, et je ne me laisserai pas marcher sur les pieds", déclarait récemment Barthélémy Dias, homme politique sénégalais, lorsqu'il a été déchu de son mandat de député, puis révoqué de ses fonctions de maire de Dakar par un arrêté préfectoral visant à faire respecter une décision de justice. Cette décision le condamnait, en 2017, pour homicide à deux ans de prison, dont six mois fermes, une peine qu’il a déjà purgée.
"L’acte est illégal !"
Ces protestations de l'ancien député n'ont pourtant aucun succès. À la veille de Noël, le 24 décembre, le Conseil constitutionnel a rejeté le recours de Barthélémy Dias. Lui et d’autres personnalités politiques et chroniqueurs critiques du nouveau régime se retrouvent en difficulté depuis l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye.
"Même à l’Assemblée nationale, on avait besoin de personnes comme Barthélémy Dias pour alimenter les débats critiques et constructifs. Aujourd’hui, on constate que plusieurs personnes ont été arrêtées au Sénégal simplement pour avoir exprimé leurs opinions. C’est regrettable. Les tenants actuels du pouvoir doivent comprendre que les critiques constructives peuvent réellement les aider", soutient Babacar Ba, juriste et président du Forum du Justiciable, une organisation de la société civile sénégalaise qui s’inquiète de ces développements.
Pas d'entraves à la liberté d'expression
Le pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye affirme, pour sa part, n’avoir posé aucun acte entravant la liberté d’expression, que ce soit pour la presse ou pour les hommes politiques.
C’est ce que souligne aussi Ndéme Dieng, expert en décentralisation proche du pouvoir en place.
Il explique que "le régime actuel n’a pas de comptes à régler avec des acteurs politiques. Que vous soyez un acteur politique ou un citoyen lambda, peu importe votre appartenance politique, la justice fera son travail conformément aux lois et règlements de ce pays".
Appel à la vigilance
Cependant, Amnesty Sénégal invite à la vigilance pour éviter que les interpellations et les enquêtes en cours ne soient perçues comme un acharnement politico-judiciaire. Seydi Gassama, le secrétaire exécutif d'Amnesty International Sénégal, observe une amélioration par rapport à la période 2021-2024, mais reste prudent.
"Malgré quelques préoccupations, nous notons une nette amélioration par rapport à ce que nous avions connu entre 2021 et 2024, où il y avait des arrestations quotidiennes. Nous n’observons pas cela aujourd’hui, même si, avec les lois en vigueur, les procureurs ont tendance à s’autosaisir, ce qui peut inquiéter certaines personnes", affirme-t-il.
Les interpellations et arrestations pourraient se poursuivre dans le cadre de la politique de reddition des comptes du président Bassirou Diomaye Faye. Les défenseurs des droits humains appellent néanmoins les nouveaux dirigeants à faire preuve de bonne foi pour marquer une véritable rupture avec le passé.
Déclaration de politique générale d'Ousmane Sonko
Le Premier ministre sénéglais présente ce vendredi (27.12) à l'Assemblée nationale sa déclaration de politique générale. C'est une première pour Ousmane Sonko depuis sa nomination le 2 avril 2024. Très attendue, cette déclaration devrait annoncer des solutions aux préoccupations des Sénégalais dans les domaines de l'éducation, de la santé, de l'emploi et du logement, entre autres.