Tchad: un ex-Premier ministre incarcéré pour corruption
4 décembre 2019L'ancien Premier ministre du Tchad, Kalzeubé Payimi Deubet, actuellement ministre d'Etat, où il est chargé de coordonner l'action gouvernementale, a été interpellé dimanche matin (1.12) par la police à N'Djamena.
Il a été ensuite auditionné par la police judiciaire suite à une plainte de l’Inspection générale de l’Etat (IGE). Après l’audition, il a été placé sous mandat de dépôt et transféré à la prison d’Amssinené de N’Djaména.
Pour sa défense, c’est une cabale montée de toutes pièces contre lui. Selon les avocats de l’ancien Premier ministre, l’Inspection générale de l’Etat reproche à Kalzeubé Payimi Deubet le paiement d’un montant de 150 millions de francs CFA au titre de dédommagement à un particulier exproprié il y a bientôt dix ans.
Ceci dans le cadre d’un projet de construction des viaducs à N’Djaména, alors qu’il n’en est pas le bénéficiaire légal.
Il y a quelques semaines, une nouvelle demande de paiement du reliquat aurait été adressée au ministère des Finances. Mais le nom du bénéficiaire a changé. Conséquence, Kalzeubé Payimi Deubet en sa qualité de secrétaire général de la présidence ordonne qu’une enquête soit diligentée par l’Inspection générale d’Etat.
Contre toute attente, l’organe chargé de veiller au bon usage des deniers de l’Etat décide de porter plainte contre l’ancien Premier ministre.
"Je dis que son arrestation obéit à une autre logique. Les raisons sont à rechercher ailleurs que dans ce qui a été écrit dans cette pièce. C’est une cabale très grossière qui a été montée de toute pièce. L’inspection générale de l’État a été saisie par Monsieur Kalzeubé lui-même. L’inspection générale après enquête au lieu de poursuivre ceux qui sont à la base de ces titres de paiement, elle dépose une plainte contre Monsieur Kalzeubé, est-ce parce que Monsieur Kalzeubé à un peu trop fouillé là où il ne fallait pas fouiller ?," affirme Me Alain Kagonbé, son avocat. L'avocat ajoute: "On savait que c'est un dossier politique, on s'attendait à cela, nous sommes sereins, nous attendons que justice soit faite et nous avons les moyens de droit pour nous défendre".
Distraction
Pour Dr Succès Masra, leader du parti d'opposition Les Transformateurs, il s’agit tout simplement d’une des distractions de plus auxquelles les Tchadiens sont habitués.
"Interrogez les Tchadiens et ils vous diront que dans la hiérarchie de ceux qui ont pillé les ressources de notre pays, ils ne sont même pas sûrs que Monsieur Kalzeubé ait la palme d’or et les autres qui circulent alors dans la rue? La même inspection générale de l’État a même sorti aussi des rapports indexant des personnalités ici et là mais il n'y a jamais eu d'arrestations et parfois c’est sur des montants même plus importants. Les Tchadiens ne sont plus dupes de tout cela. C’est un règlement de compte entre amis d’un même parti politique simplement", soutient l'opposant.
Humiliation
Beaucoup de Tchadiens estiment que l’objectif recherché par cette interpellation est d’humilier l’ancien Premier ministre. L’opinion se souvient encore de l’arrestation puis de la condamnation pour détournement des deniers public de Haroun Kabadi, l’actuel président de l’Assemblée nationale, ou encore de Mahamat Zen Bada, le secrétaire général du parti au pouvoir, le MPS (Mouvement patriotique du salut).
Toutes ces personnalités ont été promues à de hautes fonctions après leurs déboires judiciaires.
Rappelons que Kalzeubé Payimi Deubet a été Premier ministre entre 2013 et 2016, et plusieurs fois ministre.