Trois Camerounaises poursuivies pour espionnage
24 juillet 2020Marie Dawandala, Damaris Doukouya, et Marthe Weteya : ces trois jeunes femmes ont échappé à Boko Haram, mais pas à la justice camerounaise. Elles purgent aujourd'hui une longue peine de prison à Mokolo, dans l'extrême nord du Cameroun et risquent la peine de mort. Leur procès doit s'ouvrir aujourd'hui.
En 2014, les offensives de Boko Haram font rage dans l'extrême nord du Cameroun. Au plus fort de la guerre, trois adolescentes s'enfuient vers le Nigeria voisin. De ce côté de la frontière, la situation n'est pas plus sûre.
Les trois filles retournent dans leur village, à une trentaine de kilomètres de la ville camerounaise de Mokolo. C'est là où les forces de défense et de sécurité du Cameroun viendront les interpeller. Elles seront inculpées d'espionnage et de complicité avec le mouvement djihadiste Boko Haram. Maître Nestor Toko est l'avocat de ces trois jeunes femmes.
''Nous nous sommes rendus à la prison de Maroua. Elles sont venues à nous. Et c'est là que nous avons pu au détour d'un échange faire la connaissance de Marie Dawandala, Damaris Doukouya et Marthe Weteya qui nous ont fait état de leur pénible situation. Elles étaient en détention depuis fort longtemps, depuis 2014. Elles ne comprenaient toujours pas pourquoi leur peine perdurait.''
''Une peine de mort est possible''
Ces trois femmes avaient environ 17 ans quand elles ont été arrêtées. Six ans plus tard, leur procès les a conduites du tribunal militaire de Maroua où elles ont été condamnées à mort, au tribunal civil de Mokolo où elles risquent toujours la peine de mort, selon Maître Nestor Toko :
''Une peine de mort est possible. Il ne faut pas l'écarter, surtout lorsqu'on sait que très souvent, les magistrats camerounais sont un tout petit peu hostiles à l'application du droit international. Parce qu'il faut le dire, le Cameroun a ratifié la convention des Nations unies sur les droits des enfants, qui interdit justement l'application de la peine de mort pour les personnes mineures.''
Marie Dawandala a accouché en prison dans des conditions critiques. L'enfant lui a été retiré et confié à une organisation religieuse. Marie Dawandala, Damaris Doukouya et Marthe Weteya ne sont pas les seules dans cette situation.Souleymane Mapaya, militant des droits de l'homme, les a souvent rencontrées en prison et au tribunal.
‘'Les personnes soupçonnées d'appartenir à Boko Haram sont les plus isolées des détenus. Elles ont parfois séjourné longtemps dans les camps militaires avant d'être déférés dans les prisons pour que les juges examinent leurs dossiers. Et la durée de détention de certains dépassent souvent la durée prescrite par la loi, souvent plusieurs mois, voire des années''.
''Certaines sont jugées avec dans des langues qu'elles ne comprennent même pas. Les avocats commis d'office par l'Etat, par le tribunal, ne réalisent pas les voies de recours prévues. Je veux dire voie d'appel, la cassation et le recours en grâce.''a-t-il poursuivi.
L'audience des trois jeunes femmes est attendue ce vendredi 24 juillet à Mokolo, après avoir été reportée quatre fois à cause de l'absence du juge.