Une enquête de médias européens accable Frontex
30 avril 2021C'est un vote symbolique, qui ne va pas changer l'activité de Frontex. Mais c'est un vote qui sanctionne politiquement une accumulation de critiques et de révélations controversées sur le fonctionnement de l'Agence européenne de contrôle des frontières. Le parlement européen, las de ces révélations à répétition, a refusé ce jeudi (29.04) de voter le budget 2019 de Frontex.
L'une de ces accusations répétées est la pratique illégale de ce que l'on appelle les "pushback", c’est-à-dire l'action de refouler des migrants après les avoir interceptés, que ce soit en mer Méditerranée ou au niveau des frontières terrestres européennes. Les refouler, sans leurs avoir laissé la chance de formuler une demande d'asile.
De nouveaux éléments incriminants ont ainsi été publiés par un consortium de médias européens, dont le service public allemand ARD et le magazine der Spiegel.
Leur enquête affirme que des agents de Frontex ont directement fourni des informations aux garde-côtes libyens pour qu'ils interceptent des embarcations de migrants et les ramènent en Libye.
Zone de recherche maltaise
Pendant plusieurs mois, les journalistes ont en effet suivi et étudié les trajets des vols des avions de reconnaissance de Frontex. Ils les ont comparés aux mouvements de garde-côtes libyens. Ils ont aussi regardé si, lors des interceptions, des bateaux de la navire marchande se trouvaient à proximité et auraient donc pu intervenir.
Et il se trouve que lors d'au moins huit de ces renvois vers la Libye de bateaux qui se trouvaient pourtant dans la zone de recherche et de secours maltaise, un avion de Frontex venait de passer. De plus, cinq garde-côtes libyens assurent avoir directement reçu de Frontex les coordonnées géographiques de certaines embarcations.
Selon un responsable d'Amnesty international cité par l'enquête, Frontex joue désormais un rôle essentiel dans le refoulement de migrants en Méditerranée. Mateo de Bellis explique que "sans les informations de Frontex, les garde-côtes libyens ne pourraient jamais intercepter autant de migrants."
Frontex se défend de sauver des vies
Quelque 4.500 personnes ont ainsi été interceptées et retournées en Libye depuis le début de l'année. C'est deux fois plus que sur la même période l'an dernier. Et lors de ces retours, ce qui attend les migrants sont des centres de détention, dans lesquels sont pratiqués la torture et l'extorsion.
Frontex se défend : lorsqu'elle aperçoit une embarcation en détresse, un appel d'urgence est adressé à tous les centres de secours nationaux et la Libye en fait partie.
L'Agence promet de se pencher sur ces nouvelles révélations lors de son prochain conseil d'administration la semaine prochaine. Le besoin de Frontex de dissiper les doutes est d'autant plus urgent que la Commission européenne vient d'annoncer qu'elle veut donner à Frontex un plus grand rôle dans les programmes de retours volontaires.