Le 24 février 2022 débutait l’invasion russe de l’Ukraine. Un an plus tard, le conflit se poursuit, la liste des morts et des destructions s’allonge chaque jour. Pour ne pas mourir sous les balles ou les bombardements, plus de huit millions de personnes ont fui l’Ukraine depuis le début de la guerre. Et parmi elles : plus d’un million sont arrivées en Allemagne depuis l’an dernier, un vrai défi pour la République fédérale.
D’autant que s’ajoutent à ces réfugiés Ukrainiennes et Ukrainiens, les personnes demandeurs d’asile d’autres pays. Au total 244.000 demandes d’asile ont été déposées en 2022 en Allemagne. En haut de la liste : plus de 72.000 personnes venues de Syrie l’an dernier. Plus de 41.000 d’Afghanistan. Mais il y a aussi des Turques, des Iraniens, ou des Russes, avec plus de 3800 demandes d’asile dans ce dernier cas.
Des chiffres jamais vu depuis 2016.
Des difficultés dans plusieurs Länder
"Nous avons des situations très diverses, très différentes dans les 11.000 villes et communes du pays", explique Pit Clausen, le maire de Bielefedl dans le nord-ouest de l’Allemagne. Dans sa ville d’un peu moins de 350.000 habitants, la situation est "bonne", dit-il. Bielefeld a réussi à faire face depuis un an. Mais cela n'est pas le cas partout. Dans les discours politiques, la presse, certaines communes, les débats sont intenses, les problèmes nombreux.
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En Bavière par exemple, selon le Mediendienst Integration, une association nationale de chercheurs en matière de migration en Allemagne, 90% des places d’hébergement sont utilisées, malgré les nouvelles places créées ces derniers mois. Pareil dans le Land de Sarre. Les grosses villes semblent les plus concernées : il n'y a pratiquement plus de places d’accueil à Berlin, Cologne ou Leipzig. Les appels à l’aide des communes se multiplient, certaines ne peuvent faire face. "Celle qui avaient mis en place une infrastructure pour gérer les flux de réfugiés en 2015 et qui ne l'ont pas complètement démantelée par la suite sont aujourd'hui mieux loties", explique Hannes Schammann, professeur de politique migratoire à l'université de Hildesheim.
Le défi de l'intégration
Ces dernières semaines, ces derniers mois même déjà, les associations de communes, des élus, beaucoup ont appelé l’état central allemand à l’aide. L’Etat central allemand avait aussi mis plusieurs centaines d’immeubles appartenant à l’Etat à disposition qui ont permis de mettre à l’abri plusieurs dizaines de milliers de personnes. Mais cela ne suffit pas pour beaucoup de communes. Car un an après le début de la guerre, il n’est plus question seulement de loger les réfugiés, mais aussi de les intégrer aussi dans la vie sociale. Ainsi les crèches, les écoles, les centres sociaux sont aussi mis sous pression, manquant d’argent, de structures, et de personnels.
Un sommet sans résultats
La semaine dernière avait lieu un sommet sur les réfugiés à Berlin, réunissant les communes, les Länder (les 16 régions allemandes) et l’état central. Un sommet qui s’est terminé finalement par pas grand-chose, et surtout beaucoup de frustrations. La ministre fédérale de l’intérieur allemande a refusé de débloquer de nouveaux fonds financiers pour aider les communes, rappelant que l’Etat central allemand a déjà débloqué 3 milliards et demi d’euros l’an passé et 2,75 milliards pour 2023.
Quatre groupes de travail ont été mis en place, pour réfléchir sur la manière d’accélérer les procédures, celle de répartir au mieux les personnes réfugiées dans le pays ou encore sur les questions d’expulsion pour les demandes d’asile refusées. Mais rien sur le côté financier. Un autre sommet doit être organisé autour de Pâques début avril. Il n’y aura aucun nouveau financement d’ici-là, la ministre de l’intérieur l’a répété après le sommet.
"Système de première et un système de deuxième classe"
En attendant, pour tenter de désengorger les services administratifs, certains appellent déjà à cesser les différences faites entres les réfugiés venus d’Ukraine et les demandeurs d’asile d’autres pays. En effet, depuis une décision européenne en mars l’an dernier, les Ukrainiens et Ukrainiennes n’ont pas besoin de passer par le processus administratif de demande d’asile pour avoir accès à un toit, aux soins, au système de santé ou pour pouvoir travailler, comme doivent le faire les personnes d’autres nationalités.
"Nous sommes stupides de fonctionner avec un système de première et un système de deuxième classe. Nous devrions plutôt ouvrir complètement le système social, le système d’intégration, le système éducatif à tous ceux qui sont là", dit le maire de Bielefeld Pit Clausen. Mais aucune décision n'a été prise en ce sens pour l’instant et l’Union européenne veut même durcir sa politique d’immigration.
En Allemagne, en plus des difficultés pour les communes, certains politologues craignent des répercussions sur le monde politique, avec une montée de l’extrême-droite. "C’est pire qu’en 2015, parce qu’en plus des arrivées de réfugiés, il y a l’inflation, la crise économique et la guerre pas loin", explique un politologue inquiet.
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L'Afrique à la Berlinale
Dans la deuxième partie de ce podcast, Vu d'Allemagne prend la route de Berlin. C’est dans la capitale allemande que se tient depuis le 16 février, et jusqu’à ce dimanche 26, la Berlinale, le festival international du film de Berlin.
Si aucun film africain n'y est représenté cette année en compétition officielle, la plus prestigieuse des sélections, une dizaine de longs et courts métrages sont présentés au public dans d'autres catégories. On retrouve des productions sénégalaises, égyptienne, guinéenne, nigériane ou encore burkinabè. Delphine Nerbollier en a sélectioné deux pour nous : "Toutes les couleurs du monde sont entre le blanc et le noir" de Babatunde Apalowo et "Or de vie" de Boubacar Sangaré. Les réalisateurs s'expriment dans cette émission.
Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast. Ont aussi contribué à ce numéro : Delphine Nerbollier et Sabine Kinkartz