Le débat sur l’accueil des Syriens relancé en Allemagne
10 décembre 2024L'annonce n'a pas trainé. Aussitôt Bachar al-Assad tombé en Syrie, un jour après les célébrations de la fin du dictateur, l'Allemagne, à l'image d'autres pays européens, a annoncé aussitôt un gel de l'examen des dizaines de milliers de demandes d'asile de ressortissants syriens.
Une décision que Berlin justifie par "l'incertitude” qui règne à Damas. Comme ailleurs en Europe, la migration et le droit d'asile sont devenus depuis longtemps un sujet central pour les partis politiques en Allemagne.
Ce thème est d'autant plus central en Allemagne que les élections législatives anticipées se tiennent en février prochain, et que ce scrutin devrait être marqué par une nouvelle poussée de l'extrême-droite. Le parti anti-immigration AfD pourrait signer un score historique et devenir la deuxième force politique.
Les conservateurs, qui réclament également des durcissements de la politique d'asile, sont les grands favoris du scrutin.
"Expulser massivement"
Une tendance lourde suivie par le gouvernement actuel, qui a fait de l'accélération des renvois de demandeurs d'asile déboutés et du contrôle des frontières intérieures une priorité. "Nous devons enfin expulser massivement", avait déjà affirmé le chancelier Olaf Scholz il y a un peu plus d'un an.
C'est dans ce contexte qu'arrive l'annonce du ministère allemand de l'Intérieur de suspendre les procédures de demandes d'asile pour les exilés de Syrie.
Selon l'Office allemand pour la migration et les réfugiés (BAMF), plus de 47.000 demandes d'asile en cours sont concernées par le gel de la procédure. En revanche, la nouvelle situation en Syrie n'a actuellement aucun impact sur les décisions prises par le passé.
Un million de Syriens en Allemagne
Pour cette année 2024, la Syrie a, une nouvelle fois, été le principal pays d'origine des demandeurs d'asile en Allemagne, avec 75.000 demandes, devant les ressortissants afghans et turcs.
L'Allemagne accueille en fait la plus importante diaspora syrienne en Europe, avec près d'un million de réfugiés, majoritairement arrivés en 2015 pour fuir la guerre.
A l'époque, le pays était devenu un modèle d'accueil, avec la décision d'Angela Merkel d'ouvrir les frontières aux demandeurs d'asile syriens, ce qui avait valu à l'ancienne chancelière de devenir personne de l'année pour le Time Magazine.
Bien que très discrète depuis son retrait de la vie politique, elle a défendu hier cette décision, en soulignant qu'il s'agissait d'une question de "dignité". Dans le même temps, Angela Merkel a appelé à prendre "au sérieux" le problème de l'immigration clandestine.
Le débat sur le retour des Syriens couve depuis longtemps. Il a été récemment relancé par l'attaque au couteau de Solingen, qui a fait trois morts au mois d'août et dont l'auteur présumé est un demandeur d'asile syrien qui devait être expulsé.
La question est de savoir si la Syrie est un pays sûr, où les personnes expulsées ne risquent pas de répression et de persécution. Pour l'heure, les nouveaux maîtres de Damas, la coalition de rebelles dirigée par Hayat Tahrir Al-Cham, sont un groupe classé "organisation terroriste” par l'Union européenne et les Etats-Unis. L'ensemble des chancelleries occidentales ont appelé le nouveau pouvoir à une transition ordonnée vers un Etat de droit démocratique.
Une "prime de départ”
Cet avenir incertain n'empêche pas le conservateur et ancien ministre de la Santé, Jens Spahn, de suggérer d'affréter des avions et d'offrir "une prime de départ de 1.000 euros" aux Syriens désireux de rentrer chez eux.
Il propose également d'organiser une grande conférence internationale pour la "reconstruction et le retour", qui réunirait l'Allemagne, l'Autriche, la Turquie et la Jordanie, soit les pays qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés syriens.
Le chef des libéraux, évincé de la coalition gouvernementale, Christian Lindner, s'est lui aussi prononcé pour une conférence internationale sur la Syrie "qui peut aussi être organisée par l'Allemagne".
De l'autre côté de l'échiquier politique, les socio-démocrates et les Verts tempèrent. Michael Roth, responsable de la politique étrangère du SPD, dit ne pas faire "confiance" aux rebelles qui se montrent certes modérés, mais personne ne sait si cela va durer. Il qualifie les appels à ne plus accueillir de réfugiés syriens de populistes.