Les pays d'Afrique centrale sont en quête d'une solution alternative au malaise économique de la région Cemac.
La récession économique, la hausse de l'inflation et l'endettement des Etats sont les principaux problèmes qui ont contraint le président camerounais, Paul Biya, à convoquer une conférence extraordinaire des chefs d'Etat de la communauté. Beaucoup s’attendent à une dévaluation du franc CFA. Mais l'économiste centrafricain Clément Belibanga n'y croit pas et reste optimiste sur les perspectives économiques de la zone Cemac.
Suivez l'interview de Clément Belibanga
DW : Même avec une croissance économique de 2,7 % en 2024, la santé économique de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale demeure préoccupante. Quel est vraiment le problème ?
Avant 2016, la situation des économies de la sous-région était préoccupante. Il y a eu une réunion avec le Fonds monétaire international et les chefs d'Etats. Pour pallier aux déséquilibres macroéconomiques et financiers, les chefs d'Etats ont mis en place un programme de réformes économiques et financières.
La croissance a repris. On était un peu avant le Covid à une croissance d'à peu près de 1,7% au niveau de la sous-région.
Mais avec le Covid, avec la guerre de l'Ukraine, la croissance est passée à -1,8 %.
Avec les prévisions qu'en 2024, la croissance sera à 3,7%. Et en 2025 à 3 %.
Donc on pense effectivement que la reprise est au rendez-vous.
Surtout que les prix du baril de pétrole vont augmenter. La relance économique est importante au Cameroun et au Tchad.
Mais nous avons aussi l'inflation dans le monde entier. Depuis la crise de l'Ukraine, tous les biens alimentaires ont augmenté.
Nous aussi, on a eu la même situation parce qu'il y a eu des répercussions au niveau des pays de la zone, parce que ça a un rapport avec la monnaie.
Nous avons en commun une monnaie, le franc CFA, et quand il y a trop d'inflation, ça joue négativement sur la monnaie.
On pense que cette année, l'inflation est autour de 5 à 7%. L'année prochaine, 4% et on espère arriver à 3 % d'inflation qui est la norme acceptée.
DW : Malgré cette évolution assez positive, nuancée un peu par le problème de l'inflation que vous venez d'évoquer, le président Paul Biya n'a pas caché son inquiétude et appelle à des réformes. Ces réformes doivent commencer où, selon vous ?
Le problème important aujourd'hui, c'est qu'il faudrait que les pays de la zone Cemacpuissent puisse réformer leur système financier et avoir suffisamment de recettes pour pouvoir financer leur développement.
Parce qu'aujourd'hui, il y a une crise mondiale. Je crois qu'on ne continuera pas à recevoir souvent l'aide de l'extérieur.
C'est ça qui est très, très important.
Deuxièmement, le problème d'endettement, ce qui est mis en cause, ce qui est critiqué, c'est la vitesse de l'endettement.
L'endettement n'est pas très élevé au niveau de l'Afrique centrale, la norme qui est reconnue au niveau des critères de convergence, c'est que la dette doit être inférieure à 70% du PIB.
Aujourd'hui, la moyenne au niveau de l'Afrique centrale, c'est moins de 50 %.
Le problème qui se pose aujourd'hui, c'est le Congo (RDC) qui a dépassé la norme parce que le Congo est très endetté.
Il y a deux ou trois ans, sa dette représentait 103% du PIB et aujourd'hui aux alentours de 100% du PIB.
Donc ça joue négativement sur la monnaie parce que le Congo appartient à la zone CFA, Cemac.
Deuxièmement, ce qui est inquiétant aussi, c'est le cas du Gabon.
Mais d'une façon générale, quand on prend globalement le problème de la dette, c'est surtout la vitesse et la capacité de rembourser la dette qui pose problème. Mais ce n'est pas la dette en tant que telle parce que les normes internationales sont remplies.
DW: Est-ce cela qui a fait croire aux gens qu'une solution de dévaluation, par exemple du franc CFA, était envisageable pour la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale ?
Bon, le plan de la dévaluation, je crois que c'est une invention. On a dit, il y a des problèmes, les chefs d'Etats vont se réunir et qu'il y aura dévaluation. Les conditions d'une dévaluation ne sont pas remplies.
Quand on compare aux années 1990, il y avait des déséquilibres macroéconomiques généralisés, il y avait surévaluation du franc CFA.
Aujourd'hui, en ce qui nous concerne, l'Afrique centrale, la situation n'est pas la même Quand on prend le déficit des finances publiques, nous sommes à -3 % du PIB et en ce moment, c'est même moins de 2 %.
Donc il n'y a pas vraiment une crise des finances publiques en tant que telle.
Il y a des pays qui ont des excédents, par exemple la Guinée équatoriale et il y a des pays qui sont effectivement déficitaires.
Mais comme dans une zone, on prend ça d'une façon globale, la monnaie est bien garantie sur le plan extérieur.
Au niveau de l'Afrique centrale, il y a des éléments pour la monnaie.
Le taux de couverture extérieur du franc CFA ici au niveau de la Cemacest de 65% alors que la norme c'est de 20%.
Le solde extérieur est positif pour les cinq dernières années.
Les réserves extérieures, aujourd'hui, ça représente environ trois mois d'importation.
Ça, c'est la norme internationale.
Mais appartenant à une zone où il y a cinq pays pétroliers, on exige jusqu'à ce que qu'il y ait cinq mois d'importation, autrement, trois mois, c'est la norme internationale.